Le Mariage - 3 -

Conférencier :  Mgr Gabriel SAYAOGO, évêque de Manga

 

 

B. L’INVALIDITE DU MARIAGE

Au long des âges, l’institution mariage a été profondément marquée, voire moulée par des empreintes sociales, culturelles, spirituelles etc. Quoi qu’il en soit, le mariage demeure une institution divine et non une invention humaine. L’Eglise reste alors convaincue qu’elle ne peut faire usage du mot « mariage » que lorsque l’union dont il est question répond au « contenu que Dieu lui a donné ». Tant que ce contenu fait défaut, le vivre ensemble entre l’homme et la femme peut être gratifié de toutes les dénominations, de toutes les appellations, mais au regard de l’Eglise, ce n’est pas un mariage. Pour l’Eglise, le mariage ne répond pas seulement à la loi naturelle de l’attirance (attrait) réciproque de sexes opposés. Il est un « état de vie », un « acte liturgique » qui se célèbre selon des lois spécifiques.

En tant que société humainement et hiérarchiquement structurée, l’Eglise peut légiférer sur le mariage de ses fils. Pour cela, elle édicte des lois qui permettent à la communauté même de reconnaître une union comme mariage ou de déclarer que « toutes les noces ne sont pas des mariages », c’est-à-dire qu’il y a des cérémonies nuptiales qui, en réalité, ne sont pas des mariages. Les situations ecclésiales qui rendent nul le mariage peuvent être regroupées dans les catégories suivantes :

- les empêchements dirimants

- le vice de consentement

- le vice de forme.

1. Les empêchements dirimants

Est considéré empêchement au mariage tout ce qui, en vertu du bien commun, des finalités et des exigences du mariage, se poserait comme un obstacle à la célébration de l’union et rend une personne inhabile à contracter validement mariage ; défaut de forme, vice de consentement, manque de l’état de grâce. De cette façon, non seulement la célébration matrimoniale serait illicite, mais invalide.

a. Les empêchements dirimants en général : cann. 1073-1082

L’empêchement dirimant concerne le sujet du mariage, le contractant. C’est lui qui, en vertu de certaines restrictions, se retrouve incapable de contracter mariage, de manière solide et durable, c’est-à-dire validement, soit pour tout mariage, soit pour le mariage concerné. L’empêchement, pour avoir effet juridique, doit exister avant la célébration du mariage.

 b. Les empêchements dirimants en particulier : canons 1083 -1094

  L’impuissance sexuelle : canon 1084

 Le canon 1061 § 1 déclare que le mariage est dit et reconnu consommé seulement si les conjoints ont posé entre eux, l’acte conjugal idoine à la procréation. L’impuissance sexuelle est l’incapacité à poser adéquatement l’acte sexuel. Une telle incapacité doit être conjointement antérieure au mariage et perpétuelle (inguérissable)[1]. L’impuissance doit être certaine, sûre. Absolue, elle annule tout mariage. Relative, elle rend impossible le mariage que l’on veut célébrer. L’impuissance peut, en outre, être organique (défaut anatomique de l’appareil génital: petitesse, déformation, mutilation, proportion anormale...) ou fonctionnelle (défaut psychique ou physiologique dû à des nervosismes: manque d’érection ou d’éjaculation, éjaculation précoce...).

N.B. L’impuissance à la génération ou stérilité

L’impuissance sexuelle n’est pas à confondre avec la stérilité (impuissance ‘’generandi’’). L’impuissance sexuelle rend impossible l’exercice de l’acte conjugal. La stérilité, au contraire, rend impossible le « droit à la paternité ou à la maternité ». A moins que la célébration du mariage ne soit conditionnée explicitement à la génération (can. 1102), ou qu’elle ne soit sujette à dol (can. 1098), la seule stérilité n’empêche pas et n’annule pas le mariage. 

  Le lien précédent : canon 1085

Le lien est un empêchement fondé sur les propriétés essentielles de l’indissolubilité et de l’unité du mariage (can. 1056). Pour l’existence de cet empêchement, il faut que le lien précédent soit valide, même s’il est seulement civil ou coutumier pour les non baptisés, et qu’il demeure au moment de la célébration du deuxième mariage. Ce qui est demandé est que tous les acteurs du premier mariage soient encore vivants, ou, même mort un des conjoints, que la loi ne mette pas d’obstacles. L’empêchement de lien n’est jamais dispensé, et la simple disparition, même longue, d’un conjoint ne signifie pas sa mort. La mort doit être prouvée par un document authentique ou par des faits raisonnables.  

La disparité de culte : canon 1086

 Dans la Bible, l’Ancien Testament interdisait déjà l’union entre les croyants et les païens : Ex 34, 16 ; Dt 7, 3-4 ; Esdras 9-10 ; Néhémie 13, 23-29 : Mal 2, 11. Parlant des veuves, dans le Nouveau Testament, l’Apôtre Paul dit qu’elles sont libres d’épouser qui elles veulent, pourvu que cela soit fait dans le Seigneur (cf. 1 Co 7, 39). Leur remariage doit être chrétien. Dans la seconde aux Corinthiens, l’Apôtre est plus explicite : « Ne formez pas d’attelage disparate avec des infidèles. Quel rapport en effet entre la justice et l’impiété ? Quelle union entre la lumière et les ténèbres ? Quelle entente entre le Christ et Béliar ? Quelle association entre le fidèle et l’infidèle ? » (2 Co 6, 14-15).

Plus conciliant, l’Apôtre Pierre qui croyait à la possible conversion du non croyant et y espérait exhortait les femmes croyantes à rester soumises à leurs maris pour que même si certains refusaient de croire à la Parole, ils soient gagnés à la foi par la conduite de leurs épouses ... (cf. 1 P 3, 1-2).   

La disparité de culte fait obstacle à la pleine communion de toute la vie entre les conjoints et peut constituer un danger pour la foi du conjoint catholique. Mais lorsque rien, objectivement, ne gêne le vivre ensemble, une dispense pourra être accordée. Même en cas de dispense, le mariage n’est pas sacramentel. Il est canonique. La sacramentalité existe lorsque tous les deux sont baptisés (cf. can. 1055 § 2). En cas de doute du baptême d’un des conjoints, le doute devrait être levé par un baptême sous condition si le doute persiste.

Le crime de conjucide : canon 1090

Son but est de sauvegarder la dignité du mariage et la vie des conjoints. Le canon 1090 évoque deux figures possibles de meurtres. Dans la première possibilité, on tue, avec l’intention d’épouser une personne bien déterminée, le conjoint de cette personne ou son propre conjoint, au su ou non, avec ou sans la complicité de la personne désirée. Dans le deuxième cas, même sans avoir l’intention de se marier, les deux futurs conjoints jouent de complicité dans le meurtre. La dispense dont la concession demande un jugement prudentiel est réservée au Siège apostolique.

La consanguinité ou la parenté : canon 1091

En droit canonique, l’empêchement de consanguinité, pour des raisons morales, sociales, eugéniques, tend à préserver la pureté des coutumes, la santé des familles, à promouvoir une plus grande solidarité entre les hommes, à limiter un certain égoïsme de clans. La consanguinité ne se fonde pas sur le mariage mais sur la génération. En ligne directe, l’empêchement annule le mariage à tous les niveaux: entre le père et la fille ; entre la mère et le fils ; entre le grand-père et la petite fille, etc. En ligne collatérale, il rend impossible le mariage jusqu’au quatrième degré inclus: entre le frère et la sœur (2e degré) ; entre l’oncle paternel et la petite fille (3e degré) ; entre les cousins germains (4e degré). Les cousins germains sont les enfants nés du frère ou de la sœur du père ou de la mère. 

L’affinité: canon 1092 (cf. canon 109)

Au contraire de la consanguinité, l’affinité se fonde sur le mariage. Ainsi, il y aura affinité entre une personne et cette personne seulement et les ascendants et descendants de son conjoint. (N.B. Le terme ascendant et descendant est plus restrictif que consanguin. Ascendant est celui ou celle qui t’a engendré. Descendant est celui ou celle que tu engendres, alors que consanguin est celui ou celle qui a le même sang que toi). A tous les degrés, l’affinité rend nul le mariage : en ligne directe entre un veuf et sa belle-mère ; entre une veuve et son gendre; entre un veuf et la fille d’un autre lit de sa première femme etc. ; en ligne collatérale, l’affinité ne rend plus invalide le mariage. Est donc possible aujourd’hui, le mariage avec le frère, la sœur, l’oncle, la tante, le neveu, la nièce, le cousin du conjoint défunt. Un veuf peut donc épouser sa belle sœur ou une veuve épouser son beau-frère, sans avoir besoin de demander une dispense d’affinité. 

L’honnêteté publique : canon 1093

 L’empêchement existe entre un homme et la fille ou la mère de sa concubine ou inversement. Le concubinage, qui peut résulter aussi d’un mariage invalide : mariage putatif, mariage civil de catholiques tenus à la forme canonique, suppose une relation d’une certaine continuité comparable à une vie matrimoniale. 

La parenté légale : canon 1094

Il s’agit, selon l’esprit du canon, de la parenté née d’une adoption légale et non de l’adoption de fait. La parenté légale suppose l’assignation du nom de famille de l’adoptant à l’adopté (que ce soit en ligne patrilinéaire ou matrilinéaire). En ligne directe, cette parenté rend nul le mariage entre l’adoptant ou ses ascendants et l’adopté ou ses descendants. En ligne collatérale entre deux adoptés par une même personne et entre un enfant adopté et l’enfant légitime ou naturel de l’adoptant.



[1] Le Cardinal Daneels explique ainsi l’impuissance inguérissable: « Au sens canonique, l’impuissance est considérée comme inguérissable si on ne peut la guérir que par une opération extraordinaire ou par des moyens illicites. Une opération avec sérieux risque pour la vie, qui n’est pratiquée que très extraordinairement, qui coûte très cher ou qui ne donne que peu de probabilité de réussir est considérée comme extraordinaire ». DANEELS F., Le mariage dans le Code de droit canonique, présentation et commentaire, les cahiers du droit ecclésial, Luçon 1984, 27.

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