Les écrits Johanniques - 7 -

PREMIERE PARTIE : LE VERBE ACCOMPLIT SA MISSION : 

JESUS INSTAURE UNE NOUVELLE ECONOMIE DU SALUT PAR SES SIGNES ET SES ŒUVRES (2,1—12,36)

 

De la manifestation du Christ à travers les paroles de ceux qui font sa connaissance, l’évangéliste fait passer le lecteur à sa manifestation par ses propres actes : après les témoignages, voici les signes et les œuvres. Toute cette première partie de l’évangile est sous-tendue par l’idée que Jésus met fin, non seulement aux institutions juives, mais aussi à tout l’ordre humain ancien ; mais il ne se contente pas de les supprimer, il y substitue un nouvel ordre de réalités, il les accomplit donc. Le thème de la substitution court à travers les actes et les paroles de Jésus, non seulement dans la section dite des « signes » (Jn 24), mais aussi dans celle des « œuvres » (512,36) que nous examinerons tour à tour.

 

A- Les signes : 2,1— 4,54

 

A juste titre, cette section est intitulée par A. JAUBERT « de Cana à Cana ».  Tout commence en effet par le signe de l’eau changée en vin aux noces de Cana et s’achève par la guérison du fils du fonctionnaire royal, encore à Cana. Dans l’intervalle, le lecteur assiste au signe de la purification du temple à Jérusalem ainsi qu’à deux entretiens de Jésus, le premier avec un notable juif, Nicodème, le second avec une femme de Samarie. Il assiste aussi à la sortie de scène du Baptiste, le plus grand des prophètes.

En faisant attention au symbolisme des choses et des situations évoquées, considérant aussi l’identité des personnages mis en scène, on n’a aucune peine à percevoir comment se développe ici le thème de la substitution. L’alliance, le culte, la prophétie, la loi de sainteté, toutes ces réalités du judaïsme entrent en mutation au contact du Verbe incarné. Il les sauve en les éclairant de sa lumière qui les renouvelle et il invite les hommes à entrer dans ce renouveau par le moyen de la foi en lui. Ce n’est pas seulement Israël qui est convié, mais l’humanité entière, car « le Verbe, en venant dans le monde, est lumière pour tout homme » (cf. 1,9). La section des signes a une perspective sacramentelle indéniable : le baptême et l’eucharistie se profilent constamment à l’horizon du texte.

La section comporte 3 sous-sections que nous allons analyser à présent.

 

 

 

 

1. Le premier signe de Cana ou le renouvellement de l’Alliance avec Israël  (2,1-12)

 

« Ce qui étonne dans le récit des noces de cana, c’est le peu d’importance donné aux mariés. Jean ne les nomme pas, alors qu’il nomme Jésus et « ‘la mère de Jésus’ à deux reprises…L’impression qui domine est que les deux grands personnages de la noce de Cana sont Jésus et Marie » et que cet épisode est une allusion à une réalité massive dans l’AT, la rencontre eschatologique de l’époux divin et de l’Epouse, Israël (cf. Is 54,5).

Ainsi, le vrai mariage, dont le mariage de Cana est le symbole, est la nouvelle Alliance. Jésus profite d’un mariage pour « jouer », dans le style des grands prophètes et des sages d’Israël, une énigme. Elle sera incomprise sur le moment mais deviendra plus tard l’explication de toute son œuvre, à savoir, le renouvellement de l’Alliance entre Dieu et son Peuple.

En effet, c’est le « vin des noces » qui constitue le fait saillant de ces noces de Cana. Or, le vin, abondant et excellent, est le symbole messianique de l’amour de Dieu pour Israël

Le vin remplace l’eau contenue dans les jarres de pierre utilisées pour les purifications rituelles des juifs. Ces urnes vides criaient à leur façon que l’Epouse de Yahvé était profondément souillée et qu’elle avait besoin d’une purification abondante pour retrouver sa joie et sa beauté. Jésus saisit l’occasion pour faire découvrir que l’eau de la purification rituelle sera remplacée par le vin de l’Amour.  Si, dans la première Alliance, la connaissance de l’amour de Yahvé était une richesse, celle-ci restait limitée. Israël avait bu, à l’école des prophètes, un vin d’Amour moins bon que celui qui serait préparé plus tard, au temps de Jésus, quand viendrait « l’Heure », cette « Heure » anticipée par le miracle qu’il accomplit.

Il faut noter qu’à Cana, comme dans tout l’évangile, cette révélation est donnée d’abord aux plus petits. Les disciples et les humbles serviteurs sont les premiers témoins du miracle, et le village de Cana, lui-même, n’est qu’une bourgade pauvre de la Galilée des nations.

Le récit se termine par une notule sur le déplacement de Jésus, de sa mère, de ses frères et de ses disciples à Capharnaüm, suivi d’un bref séjour dans cette ville. L’intérêt de cette mention est de montrer au lecteur comment, sur la base de la foi, Jésus fonde une communauté chrétienne qui élargit sa famille naturelle en y intégrant ses disciples. Cette nouvelle famille ne cessera de grandir par l’accueil de nouveaux membres, les croyants.

 

 

 

2. le signe de la purification du Temple ou le renouvellement du Culte  (2,13-22) + (2,23-25)

 

Après avoir montré (cf. Jn 2,1-12) que Jésus était venu pour une Alliance nouvelle de l’homme avec Dieu incomparablement plus merveilleuse que l’ancienne, l’évangéliste va montrer maintenant au lecteur où se trouve le cœur de cette Alliance nouvelle, quel est le lieu de rencontre du Père des Cieux et de tout homme qui croit.

Le signe de la purification du temple montre que le cœur de la religion n’est plus le Temple de Jérusalem, c’est le cœur filial de Jésus. Le rôle du Temple touche à sa fin. Jésus instaure une nouvelle forme d’adoration, plus haute, plus pure, plus vraie. Elle se fait dans sa personne à lui, Jésus. Il est le nouveau Sanctuaire et l’unique véritable, non bâti de main d’homme, mais donné par Dieu. Jésus, au Temple, ne bouscule pas seulement les hommes et les animaux, il bouscule encore plus les coutumes, les rites de l’ancien culte qu’il remplace par le nouveau : il ne s’agit plus d’offrir à Dieu « des choses », mais de lui donner sa personne avec Jésus, comme Jésus.

Lorsque, plus tard, les prêtres eux-mêmes comprendront cette vérité, ils se convertiront et deviendront, avec les disciples de la première heure, les « pierres vivantes » du nouveau temple, Jésus Christ (cf. Ac 6,7).

En attendant, le poids paralysant de l’opinion, des habitudes et du péché empêche les hommes, même les admirateurs de Jésus, d’adhérer pleinement à la vérité de la révélation nouvelle. Jésus le sait, lui qui « connaît ce qu’il y a en l’homme ».

 

3. Renouvellement de l’Alliance  et du Culte pour l’humanité entière sur la base de la foi (3—4)

 

Nicodème, les disciples de J-B, et plus loin, la femme de Samarie, font partie de ces admirateurs de Jésus  qui, cependant, vivent encore dans le temple ancien. Ils restent hommes et femme de la loi alors que l’heure est venue de passer de la Loi de Moïse à la foi au Fils de Dieu et à la vie dans l’Esprit.

 

3.1 Renouvellement de l’Alliance  et du Culte pour les juifs orthodoxes : Nicodème (3,1-21) + les Baptistes (3,22-30) + (3,31-36)

 

Son entretien nocturne avec Jésus, permettra à ce dernier d’amener progressivement le docteur de la Loi à faire le passage à la foi.

De même que la circoncision introduisait dans le Peuple d’Israël, de même qu’elle permettait aux fils d’Israël de vivre de la Loi, de même la foi en Jésus fait renaître à une vie nouvelle. Le baptême d’eau n’y suffit pas, il faut encore celui de l’Esprit que seul peut donner le Christ. Nicodème découvre la personnalité de Jésus comme étant celle de l’homme qui est né de l’Esprit et dont la vie est sans cesse conçue, pensée, guidée par l’Esprit.

Cette personnalité même de Jésus dit pourquoi il supplante le Baptiste dont la mission était d’agir pour préparer la mission du Verbe incarné, puis de s’effacer devant cette mission. Le témoignage en est mis sur les lèvres mêmes du Baptiste.

 

3.2 Renouvellement de l’Alliance  et du Culte pour les juifs hétérodoxes ou hérétiques (marginaux) : la Samaritaine (4,1-42)

 

L’entretien de Jésus avec la samaritaine reprend ce qui n’était qu’indiqué dans l’entretien avec Nicodème pour en prolonger les aperçus.

Les vv. 1-6 soulignent l’occasion presque accidentelle de cet entretien : le repli tactique de Jésus devant l’irritation prévisible des pharisiens que ses activités, à la suite de celles du Baptiste, agaçaient ; la chaleur et la fatigue qui l’amènent à s’asseoir au bord du puits de Jacob. Ce dernier détail donne bien la vraie note de l’évangéliste. Il est, contrairement à ce qu’on a dit, parfois de lui, celui qui nous montre le mieux le Dieu qui est en Jésus, et en même temps, celui qui marque le mieux son caractère humain. Il exprime parfaitement le mystère de l’incarnation.

Les vv. 7-26 décrivent la « maïeutique spirituelle » dans laquelle s’engage Jésus pour conduire la femme de Samarie à la foi. Les préjugés sociaux, l’aveuglement spirituel, le poids du péché constituent autant d’obstacles que Jésus doit surmonter pour que la Samaritaine accède à la vérité tout entière, à savoir l’établissement d’une nouvelle « économie » du salut où une nouvelle alliance et un nouveau culte « en esprit et en vérité » supplantent  et accomplissent les anciennes dispensations de la grâce, imparfaites et transitoires.

Les vv. 27-42 éclairent le sens de ce qui s’est passé dans cet entretien de Jésus avec la Samaritaine, entretien qui a pris fin au v.26 avec la proclamation messianique. Jésus vient d’accomplir sa mission en se faisant pour la femme « la lumière qui éclaire tout homme » ; il vient d’accomplir ainsi l’œuvre du Père, sa volonté, et il en est comblé. Il invite les disciples à entrer dans la joie de leur maître et à prendre leur part de cette joie en devenant eux aussi missionnaires dans la moisson de Dieu, ce qui suppose le dépassement de leurs préjugés, de leur sagesse humaine. Pour cela, l’exemple leur est donné par les samaritains qui reconnaissent en Jésus « le sauveur du monde », l’invitent à rester avec eux et par Jésus qui accepte de séjourner deux jours dans une ville samaritaine.

3.3 Renouvellement de l’Alliance pour les païens : le second signe de Cana (4,43-54)

 

Après l’escale de deux jours en Samarie, Jésus poursuit la traversée et arrive en Galilée. C’est là qu’il accomplit la guérison du fils d’un officier royal de Capharnaüm, un païen que Jésus loue parce qu’il a déjà accompli le passage de la foi sur signes à la foi en la parole de Jésus. En cela, ce païen se révèle un vrai fils d’Abraham ; il entre pleinement dans la famille de Jésus. Sa foi est ce qui lui obtient la guérison de son enfant, comme celle de Marie, le premier signe de cana.

Ce récit sobre qui conclue la section des signes introduit en même temps celle des œuvres où se trouve soulignée la puissance recréatrice, vivifiante de la parole de Jésus, révélation de son autorité divine : Il a les paroles de la vie.

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