Obéissance - 3 -

RETRAITE SACERDOTALE 2013

 

Lieu : Saint Jean Baptiste de Wayalgê, Ouagadougou,

Date : Du 22 au 29 Août 2013

Thème : L’OBÉISSANCE                         

Prédicateur : P. Mathieu ZONGO, Fdp

 

 

Deuxième jour :

L’OBÉISSANCE COMME FAIT FONDAMENTALEMENT HUMAIN

Deuxième jour - Matin

Prière : notre Père

Hier nous avons essayé de montrer que chaque homme est en quête de paix et de bonheur. Pour les croyants, le chemin qui conduit à la paix et au bonheur se trouve dans la recherche et l’accomplissement de la volonté de Dieu. Pour nous chrétiens, le Christ est notre Paix. L’obéissance est donc un moyen, un chemin vers cette paix. Comme la voie de la raison humaine pour la connaissance de Dieu, l’obéissance humaine ou naturelle est aussi un chemin dans la recherche et l’accomplissement de la volonté de Dieu. En cela, nous avons à être des hommes de bonne volonté. À premier niveau, l’obéissance est observance et respect de ce nous l’ordre « naturelle ».

Nous allons découvrir l’obéissance comme fait fondamentalement humain d’abord. Elle constitue notre peine de chaque jour au point qu’on puisse parler de nos jours d’une sorte de crise d’obéissance.

 

Crise d’obéissance : un défi et une chance ?

J’ai rencontré pendant une de mes lectures, cette pensée de Christian Bonnet : « Il n’y a eu crise d’obéissance qu’après qu’il y ait eu crise d’autorité. » Je ne me suis vraiment pas préoccupé ni de la biographie de l’auteur ni du contexte dans lequel il l’a dit, encore moins de l’ouvrage dans lequel il l’a dit si c’était le cas. Ce qui m’a le plus frappé, c’est l’évidence du lien entre la crise d’autorité et la crise d’obéissance.

Qu’est ce que l’autorité ? Et qu’est ce que l’obéissance ? Ces deux mots renvoient à un complexe de relations essentielles à toute vie d’ensemble, qu’elle soit familiale ou sociétale, associative ou communautaire. Quel que soit le domaine et à des échelons divers, nous aurons au dessus de nous une autorité ou un responsable sous la direction de qui nous vivrons et travaillerons ; et mais aussi, des personnes qui dépendent de nous. Si de tels rapports sont reconnus comme nécessaires, il n’est toujours aisé de les mettre en œuvre, en des temps où ni l’autorité ni l’obéissance ne semblent aller de soi. Pourquoi semblent-elles toutes les deux en crise aujourd’hui, dans l’Église et hors de l’Église ? Nous pouvons même nous demander si elles ne sont pas permanemment et structurellement en crise ? Le problème pour notre part, ne se pose pas en des termes de relation de cause à effet comme le fait Bonnet : « Il n’y a eu crise d’obéissance qu’après qu’il y ait eu crise d’autorité » dans la mesure où la crise d’autorité peut en réalité, être une crise d’obéissance de l’autorité elle-même. Dans tous les cas, la crise de l’une implique la crise de l’autre. Peu importe par où, la crise commence. Crise c’est crise comme le disent les jeunes.

Malheureusement, l’usage courant a tendance à ne mettre en exergue que le sens négatif ou péjoratif du mot « crise ». Toutes les crises que l’actualité nous présente manifestent la violence d’une situation ou l’apparition d’un trouble ou encore une situation de déséquilibre grave, un manque, une pénurie etc.

Mais une crise peut être une chance en tant lieu ou temps d’évaluation, de réflexion et de discernement. Une crise peut donc être une occasion de croissance. La crise comme tension potentiellement conflictuelle apparait alors sous l’angle nouveau d’un processus créateur d’ordre nouveau et de recherche d’un nouvel équilibre des forces en présence. Il  peut avoir potentiellement une situation de conflit si par exemple un curé ne tient pas compte de changement de statut d’un séminariste qu’il a eu comme stagiaire qui lui revient quelques années plus tard comme vicaire dans la paroisse.

Selon l’étymologie latine (auctoritas, faire croître), l’autorité est la capacité ou la disposition d’une personne à favoriser la croissance d’une autre personne par trois mécanismes ou moyens : par le savoir qu’elle communique ; par la confiance qu’elle fait ; par la manière dont elle éveille au sens de la responsabilité. Une autorité ou un responsable doit donc être avant tout habité par la préoccupation de ceux et celles qui lui sont confiés, en vue de leur croissance. Mais cette croissance n’est pas possible sans l’obéissance. Par ailleurs, bien que socialement acceptée et intégrée, les personnes revêtues d’une autorité » a toujours été sociologiquement exclue et anthropologiquement contestée.

Dans la mentalité courante, l’obéissance est malheureusement devenue presqu’uniquement synonyme de « soumission ». En insistant sur cet aspect du mot obéissance, on souligne de cette manière le manque de personnalité ou bien le manque d’esprit d’initiative qui pousserait la personne qui obéit à s’en remettre à la volonté ou aux ordres d’un supérieur ou d’un responsable hiérarchique. Il apparait de plus en plus aux yeux de nos contemporains, que faire ce qu’une autre personne nous demande de faire est une atteinte à la liberté ou à l’autonomie personnelle. Autrement dit, l’obéissance tend, de plus en plus à être considérée dans la culture moderne comme aliénante. Or l’obéissance, si elle est bien comprise et pratiquée, peut se révéler libératrice. Tout de dépend de la manière de concevoir la liberté et l’autonomie de personne.

Qu’est-ce que la liberté pour moi ? Quel sens je donne à l’autonomie personnelle ? Comment je conçois le lien entre autorité et obéissance ?

 

Deuxième jour – après-midi

Obéissance ‘naturelle’

Qu’est-ce que la liberté pour moi ? Quel sens je donne à l’autonomie personnelle ? Il est évident que ce sont-là des questions essentielles dont dépendent des conceptions qui influencent la manière de vivre le service de  l’autorité et de l’obéissance. Ces conceptions se manifestent déjà dans une obéissance naturelle qu’il faut comprendre, à défaut d’une autre appellation, comme l’observance de tout ce qui nous est prescrit, demandé en dehors de toute référence explicite à la religion, mais qui appartient à l’ordre de la création.

Il importe alors de saisir l’obéissance d’abord et avant tout, comme un fait humain fondamental. C’est seulement après que les motivations ou raisons d’ordre ascétique et même théologique seront prises en compte non parce qu’elles importeraient peu mais justement parce que l’obéissance ‘naturelle’, dans une certaine mesure, les favorise ultérieurement. S’il est vrai que les bonnes habitudes s’apprennent en famille, nous pouvons souvent remonter très loin, dans la tendre enfance d’une personne pour retrouver les germes d’une attitude donnée. Sans pour autant verser dans une sorte de déterminisme biologique et sociale, la vertu humaine de l’obéissance n’échappe pas à cette règle.

Par exemple, au plan purement humain, un enfant qui ne respecte rien à la maison, respectera difficilement quelque chose à l’école et n’en parlons pas, dans les rues et plus tard dans un service. Par contre, un enfant qui est éduqué à l’obéissance dès son jeune âge en famille ou à l’école, a beaucoup plus de chance à l’âge adulte de prendre de façon responsable sa place à l’intérieur d’une communauté ; il sera surement plus capable d’accomplir son devoir et de respecter les droits des autres ; d’accepter des valeurs et des règles de comportement du vivre ensemble. Bien que la psychologie du développement personnel et la sociologie de l’éducation nous révèlent toute la complexité du problème que nous soulevons ici, nous devons admettre que certaines dispositions et conditions humaines façonnent et orientent notre liberté. Or, s’il est un lieu par excellence où devrait se vivre pleinement notre liberté d’homme, c’est bien l’obéissance. Car entre désir de plaire et faire plaisir ; entre forme d’influence sociale et stratégie d’intégration sociale, nous nous trouvons sur une crête.

L’obéissance comme fait fondamentalement humain, c'est-à-dire dans sa forme authentique veut dire que l’individu humainement mature perçoit l’obéissance (ou même la désobéissance) naturelle ou civile comme un besoin d’harmonie interne, de solidarité et d’efficacité dans la société humaine à laquelle il appartient. Celui qui obéit à un ordre légalement établit par l’autorité légitime peut être considérer comme une personne mûre. Les sociétés et communautés humaines ne sont pas une juxtaposition d’individus, les uns à coté des autres. Ce sont les réseaux de rapports, les interactions entre individus, l’interdépendance des tâches et des prestations qui constituent les éléments de base qui font le tissu social. La capacité de s’y intégrer et respecter les normes et les valeurs communes est fondamentale. L’obéissance naturelle signifie alors vouloir et réaliser le bien authentique qui me réalise véritablement. La manière de concevoir sa propre liberté et l’autonomie personnelle fait apparaitre parfois cette obéissance sous angle sombre. Elle est vue parfois comme un mal nécessaire car de fait, sans elle, l’éducation et la vie en société n’est pas possible. Mais en réalité, la liberté ne signifie pas absence de contraintes, ni l’autonomie, absence de lois. L’indépendance tant revendiquée n’est-elle pas illusoire. Entre indépendance et dépendance, il y a l’interdépendance qui nous rappelle que l’homme est essentiellement liberté et relation. L’indépendance totale vis-à-vis des autres est tout aussi suicidaire que la dépendance totale est aliénante. Et si la dignité humaine ne saurait nous imposer de renoncer ni à notre volonté, ni à notre liberté, c’est cette même dignité qui nous confère la faculté de vouloir autrement ce que nous voulons en d’autres circonstances. Nous ne devons pas seulement être capables de vouloir. Nous devons aussi être capables de vouloir « autrement », capables de vouloir autre chose que ce que nous voulons.

Mais il reste que même en dehors du cadre strictement religieux, l’obéissance à l’ordre social, aux normes et valeurs sociales ne va pas de soi.

Nous ressentons des résistances face à l’obéissance de notre part (respecter le code de la route : exemple d’un prêtre qui brule le feu rouge) ou bien de la part de ceux qui nous sont confiés. Nous entendons les jeunes et les adolescents nous confesser qu’ils ont désobéi à leurs parents etc.  En effet, les problèmes d’obéissance que nous vivons à l’âge adulte peuvent avoir leur origine dans notre petite enfance voire avant notre naissance comme la psychologie moderne l’établit clairement aujourd’hui. L’obéissance est d’abord une question d’être homme avant d’être un problème de prêtre.

 

Tentons donc une synthèse : On pourrait conclure que L’obéissance comme fait humain, n’est pas très souvent perçue comme une véritable vertu. Mais fort heureusement, on peut le dire, elle apparait communément comme une limite nécessaire. Pour l’heure disons que (et c’est acquis considérable), dans sa dimension naturelle, l’obéissance de la personne acquiert de la valeur dans la mesure où elle se pose comme un acte humain c'est-à-dire « l’acte d’une personne intelligente et libre, qui dit intérieurement ‘oui’ à une disposition reconnue comme acceptable et acceptée de fait. » (Pigna, 186). Dans ce sens, l’obéissance est une caractéristique de la maturité humaine. Elle est l’attitude des forts et des grands.

 

De quel type d’autorité avons-nous fait l’expérience ? En famille, à l’école, dans la maison de formation ? Est-ce des formes d’autorité forte, faible ou discrète ? Autorité personnelle ou institutionnelle ? Hiérarchique ou morale ? Quelles sont les expériences qui me reviennent spontanément aujourd’hui ? Quelles soient belles ou mauvaises ? Qu’est-ce que cela peut-il expliquer aujourd’hui dans ma manière de concevoir l’autorité et de pratiquer l’obéissance ?

Pour moi, quel éclairage notre Seigneur Jésus m’apporte sur la question. Je lui demande de me guérir de toutes les blessures liées à la manière dont l’autorité des hommes s’exercer sur moi.

 


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