Homélie (21-02-08)
Messe de fraternité
(Jr 17, 5-10; Lc 16,19-31)
Avec la Saint-Valentin que nous venons de fêter, il y a une image que nous n'avons cessé de voir partout: sur les plaques publicitaires des rues, dans les journaux ou à la télé. Il y a aussi un mot que nous avons souvent entendu à cette occasion à la télé ou à la radio. C'est le cœur. En effet, le symbole du cœur est l'un des plus utilisés de nos jours. En plus de sa représentation imagée pour traduire l'amour et les sentiments doux, on le retrouve de plus en plus dans moult expressions que nous utilisons à longueur de journée: "avoir le cœur gros " "avoir le coeur lourd" "cœur plein de joie" "coeur dur" " cœur serré etc.
L'importance physiologique du cœur n'est plus à démontrer. C'est l'organe moteur de l'irrigation sanguine. Mais la célébrité du mot ou de l'image tient moins à sa fonction physiologique qu'a sa signification symbolique. En effet, il est considéré comme le siège du sentiment. Comme le cerveau secrète la pensée, ainsi le cœur secrète le sentiment. L'amour, la haine, la joie ou la tristesse.
Mais voici que la Parole de Dieu nous dit aujourd'hui dans le livre d'Isaïe que "le cœur de l'homme est compliqué et malade". En d'autre terme, ce cœur est mauvais. Il est difficile à connaître et à maîtriser. Si YHWH en arrive à se lamenter ainsi du cœur de l'homme, c'est qu'il en a payé le frais avec les fils d'Israël. Que YHWH n'a-t-il pas fait pour le séduire, pour se l'approprier! Prodiges, bienfaits, présence affective. Au moment même où il semble conquérir pour de bon ce cœur de son peuple, ceux-ci se détournent et mettent leur confiance en des mortels qui ne peuvent les sauver.
Ce qu'a été le Seigneur hier pour Israël, il l'est pour nous aujourd'hui individuellement et communautairement. Malheureusement ce qu'a été Israël hier, nous le sommes aussi aujourd'hui. Malgré les faveurs du Seigneur, nous continuons à lui refuser notre confiance. Mais il est urgent en ce temps de carême que nous prenions conscience que notre secours est à jamais dans le seul nom du Seigneur et lui seul mérite notre confiance.
Remarquons le parallélisme que nous offre le texte entre l'homme qui met sa confiance en un mortel et l'homme qui met sa confiance en Dieu. Mettre sa confiance en un homme ou en autre chose de cette terre, c'est le dessèchement, l'aveuglement, le désert aride. L'homme ne peut reconnaître la grandeur de son existence en dehors de Dieu. Par contre, l'homme qui met sa confiance en Dieu, qui base sa vie sur la relation avec Dieu, ne craint pas la chaleur, ne redoute pas la sécheresse, n'est pas stérile. Son feuillage reste vert, car il est planté au bord des eaux. Le parallélisme antithétique est vous le voyez bien très net.
YHWH Dieu sait ce qu'il va faire. Il pénétrera ce cœur compliqué et malade. Il en viendra à bout. Il scrutera aussi les reins et ferra tomber la sentence qui convient à chaque cœur selon le fruit qu'il a produit.
Pour en venir au deux figures de la parabole de l'Evangile, disons que le mauvais riche à laisser sa richesse endurcir son cœur. Ce cœur n'avait plus d'yeux pour voir le pauvre Lazare à sa porte. On ne voie pourtant bien q'avec le cœur. Mais si votre cœur n'a plus d'yeux, alors quelles ténèbres!
Comme dans la première lecture, il y a dans l'Evangile aussi une opposition catégorique entre Dieu et la chose créée. Ou Dieu, ou les richesses. Pourquoi?
Premièrement parce que la richesse est précaire. C'est là son moindre défaut, mais un défaut important quand même. Les riches son malheureux. Tout riche est guetté par les inquiétudes constantes du financier.
Deuxièmement, parce que la richesse, contrairement à ce qu'on peut penser, diminue gravement l'homme. Elle limite l'homme dans ses relations. Il ne voit plus les autres. Ses yeux et son cœur son fermés. Le prophète Amos n'a-t-il pas reproché aux riches leur désintéressement pour le sort du pays? Dans le luxe, ils ne voit personne, plus rien. Souvenons nous aussi de la parabole du semeur: la semence est tombée dans les épines. Ce sont ceux qui ont entendu, mais en cours de route les soucis, la richesse, les plaisirs les étouffent et ils n'arrivent pas à maturité (Lc8, 14). La vraie mutilation de la richesse c'est le manque d'amour. Et cette mutilation là est odieuse.
La vraie richesse, celle qui fait que la vie vaut la peine d'être vécue( d'être célébrée pour parler selon notre mot d'ordre), c'est l'amour confiant envers Dieu le Père et l'amour de nos frères qui nous fait partager tout avec eux.
A Jérusalem pouvons-nous dire que l'amour est notre richesse? Avant que chacun dans la journée ne cherche un temps de méditations pour faire l'inventaire de ses richesses à partager avec ses frères, disons que notre richesse commune est la fraternité. Tout en célébrant la vie, faisons de Jérusalem un cadre, un creuset ou chacun développera un cœur fraternel, un cœur sans frontières. Entre le riche et le pauvre de notre parabole, s'est creusé un fossé. Ce fossé est creusé par l'absence d'amour, le repli sur son confort. L'abîme d'indifférence et de méconnaissance amorce l'abîme de l'au-delà. Puisse ne jamais avoir ce fossé entre nous frères de Jérusalem.
L'eucharistie est le sacrement qui comble les fossés entre l'homme et Dieu d'une part et entre les hommes entre eux d'autre part. Elle est aussi le ruisseau près duquel nous sommes plantés par notre baptême. Étendons vers son courant nos racines pour pouvoir résister à la chaleur, rester vert et porter du fruit. Puisse-t-elle emplir nos cœurs et nos veines de la vie du Seigneur! AMEN