Conférencier : Mgr Gabriel SAYAOGO, évêque de Manga
Diocèse de Koudougou
Rencontre du presbyterium
30 novembre 2012
Thème : La praxis pastorale paroissiale
Monsieur l’abbé Patrice YAMEOGO, Vicaire général de son Excellence Monseigneur Joachim,
Chers frères, membres du presbyterium du diocèse de Koudougou,
C’est avec joie que je me trouve avec vous aujourd’hui pour un partage de certaines orientations de l’Eglise universelle, sur ce qui entre dans le cadre de l’organisation et de la gestion de la vie paroissiale. Avant ce partage, je voudrais vous transmettre les salutations, filiales et fraternelles du clergé et du peuple de Dieu à Manga.
Dans le cadre de votre vécu pastoral, vous vous retrouvez pour poursuivre vos réflexions sur vos orientations pastorales de l’année et vous avez voulu insérer dans votre réflexion d’aujourd’hui, l’organisation et la gestion de la vie paroissiale, afin de rendre Jésus présent et efficace à nos fidèles chrétiens. C’est dans ce cadre de réflexion que j’ai été invité à donner une petite contribution, et l’apport que je porte est un regard de pot pourri sur l’activité pastorale paroissiale à travers le thème que j’ai intitulé « la praxis pastorale paroissiale ».
Divisé en deux grandes parties, cet exposé portera dans un premier temps sur l’administration de la paroisse. Dans cette première partie, après un regard sur la figure du prêtre, celui sans lequel la paroisse n’existerait pas, nous essaierons de considérer canoniquement l’institution juridique diocésaine qu’est la paroisse, sa place dans la vie du prêtre et son gouvernement. Mettra fin à cette première partie, le point sur les organes de gouvernement de la paroisse. Dans cette partie, l’enjeu pour nous sera de définir et de vivre le comment composer ensemble pour annoncer Jésus-Christ.
Dans un deuxième temps, notre causerie portera sur la fonction de sanctification de l’Eglise à travers la pastorale du mariage. Puisse chacun de nous, en revivant ses engagements sacerdotaux, se rendre disponible à Dieu et à l’Evêque pour la croissance de l’Eglise et du règne de Dieu ! Bonne rencontre à tous !
La praxis pastorale paroissiale
Sigles utilisés
A.A : Apostolicam Actuositatem’’
P.O. : Presbyterorum Ordinis
C.D. : Christus Dominus
MVP : Ministère et Vie des Prêtres
A. L’administration de la paroisse
I. LA FIGURE DU PRETRE
Engagé dans le ministère sacerdotal depuis le jour de notre ordination sacerdotale, envoyé au cœur des masses pour masser les cœurs endoloris, à longueur de journée, il y a une question que le prêtre ne peut manquer de se poser : Prêtre, pour qui, prêtre pour quoi faire ? Si des paramètres font que le monde profane et même des milieux religieux se posent des questions sur l’identité du prêtre, ou ne comprennent pas très bien l’identité du prêtre, le prêtre lui-même ne peut manquer de se questionner sur sa propre identité. Non pas qu’il doute ou qu’il ne la comprenne pas, mais pour se donner une définition toujours renouveler de son être.
a. L’identité du prêtre
Dans le vécu quotidien, l’identité est ce qui permet à des gens extérieurs de ce se faire une idée elle aussi extérieure d’une personne ou d’une chose. L’identité est un élément de reconnaissance. L’identité fait toujours référence à quelque chose. Il y a toujours une base. L’identité renvoie à une base et en plus d’être un élément de reconnaissance, elle est un critère d’appréciation. L’identité est un vivre en conformité parfaite avec sa base, on essaie de lui rester le proche possible. L’identité c’est se reconnaître soi-même, quelle que soit la situation. Se reconnaître à sa référence au milieu de mille et un modèles. L’identité se définit en fonction d’un premier référent. Et pour le prêtre, la base de référence sera toujours une personne. Cette personne qui, de Dieu qu’elle était, s’est faite chair, est venue habiter au milieu de nous, pour notre salut. Cette personne c’est le Christ.
La figure du prêtre se définira toujours par rapport à cette personne, Jésus, son être et sa mission. L’identité du prêtre doit être méditée à partir de la volonté divine de salut parce que le sacerdoce est participation à l’action salvatrice du Christ. On n’est pas prêtre pour accomplir sa propre volonté. Le prêtre est serviteur du Christ. Il est ministre des actions salvifiques essentielles. Dans l’exhortation apostolique ‘’Pastores dabo vobis’’, le pape Jean-Paul II écrit en effet : « De par sa fonction, le prêtre est annonciateur de la parole de Dieu, en sa qualité de ministre qui participe à l’autorité prophétique du Christ et de l’Eglise. »[1] On est fait prêtre et consacré pour célébrer les saints mystères. Revêtu des habits sacrés, le prêtre tient la place de Jésus-Christ.
De cette manière, l’identité du prêtre se réfère au Christ, prêtre, prophète et roi, au Christ, le même hier, aujourd’hui et pour toujours. Le Christ étant égal à lui-même, le visage du prêtre ne changera pas. Quelle que soit son apostolat, le prêtre demeurera toujours homme de Dieu au service de l’Evangile, prophète de l’espérance chrétienne (cf. abbé Jacques ZERBO, conférence donnée à Koumi en mars 2005). Comme il l’a été hier, l’est aujourd’hui et le sera demain, le prêtre est :
► Un porteur de l’espérance et de l’optimisme qu’apporte l’Evangile. Il est un vrai pasteur de tous. Le pasteur guide son troupeau et le nourrit de la saine doctrine. Il ne le trouble pas en lui proposant des opinions incertaines. Paul invite son disciple Timothée à éviter « les querelles de mots, bonnes seulement à perdre ceux qui les écoutent » (2 Tm 2, 14).
Le vrai pasteur ne s’amuse pas à mettre certaines brebis à l’écart du troupeau ou de son estime, en se donnant corps et âme pour d’autres. L’apôtre Pierre, également, exhorte les anciens à prendre soin du troupeau dont Dieu les a chargé : « Paissez le troupeau de Dieu qui vous est confié, veillant sur lui, non par contrainte, mais de bon gré, selon Dieu » (2 P 5, 2). Jean appelle à ne pas s’identifier à des loups car les loups dispersent le troupeau (cf. Jn 10, 10-12). Le prêtre est pasteur de tous, sans préférence : prêtre pour tous, prêtre avec tous.
Dans un livre qu’il a intitulé ‘’l’espérance aux mains nues’’[2], le Père Guy GILBERT écrit que « prêtre, ce n’est pas un métier. Un métier est défendu par des syndicats, avec des heures de travail, des heures de repos, des congés payés, des assurances-maladies et tout le confort… » Le sacerdoce n’est pas un métier. C’est une fonction, un ministère d’Eglise, une vocation. De fait, « on n’est pas prêtre comme on est laboureur, fonctionnaire ou artisan. On n’est pas prêtre pour faire des heures de bureau, avec des récréations et avec des jours de congés. On est prêtre en permanence. Sans interruption. Sans repos. Sans répit aucun. Sans vacances. Jour et nuit. Et comme on peut s’adresser à Dieu n’importe quand, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, et pour n’importe quelle demande, sans crainte de l’importuner, de même on peut venir n’importe quand, pour n’importe quelle raison, chez le prêtre… »[3] C’est sûr, il faut tenir compte des limites de la condition humaine, mais c’est là la réalité du sacerdoce. Etre fait pour Dieu et pour les autres.
► Un disciple de Jésus-Christ : Le prêtre ne se substitue pas à Jésus. Il est disciple. Il sait garder sa place dans un esprit d’humilité. « Il faut que lui, il grandisse et que moi, je diminue » (Jn 3, 30). Il est à l’écoute du Christ dans la prière. Il est un homme de prière. La vie spirituelle du prêtre doit être solide et profonde. Le prêtre doit avoir le goût et l’amour de la prière dans une union intime avec le Christ. « Les prêtres seront convaincus que sans une forte vie spirituelle et un service apostolique généreux, en intime union avec le Christ prêtre et pasteur, allant jusqu’au sommet de la sainteté, dans la ligne de leur spiritualité propre, il est impossible de réaliser l’identité sacerdotale et de persévérer généreusement dans le ministère »[4].
► Un homme qui travaille en collaboration avec les laïcs : il est appelé à reconnaître leur place et leur rôle dans l’Eglise, à leur laisser la latitude nécessaire pour jouer leur rôle. Il revient au prêtre de donner aux laïcs les bagages nécessaires pour bien remplir leur rôle.
Sur le tabor le jour de notre ordination, nous sommes attendus dans la plaine des combats dans le vécu quotidien de nos engagements sacerdotaux : la prière, la chasteté, la manière de nous conduire devant les biens de ce monde. Nous sommes mis à part. Et selon un aîné, l ‘abbé André Jules BONKOUNGOU, « le monde a besoin de notre solidité pour tenir, pendant que l’adversaire nous prend pour cibles. S’il rend un seul prêtre non crédible, il aura gagné une manche importante dans son opposition au Christ et à son message ».
Nul prêtre ne devrait se considérer digne de sa haute fonction. Vivre le sacerdoce, c’est mourir en soi-même, apprendre à se maîtriser et à obéir. S’il est consternant de voir partir un prêtre, il est plus consternant de voir rester un qui ne pratique plus les vertus sacerdotales. Il fait plus de mal au petit troupeau pour lequel le Christ est mort. Un tout petit défaut chez le prêtre est comme une grande offense pour Dieu. Le prêtre n’a donc pas le droit de se considérer ordinaire. Dans son ministère de prêtre rien ne lui appartient en propre. Il devient le représentant non seulement de toute l’Eglise, mais aussi de l’univers tout entier.
[1] JEAN-PAUL PP II, Exhort. apost., Pastores dabo vobis, n° 26.
[2] GILBERT Guy, L’espérance aux mains nues, Plon, Paris 1975, 25.
[3] GEORGHIU Virgil, L’espionne, Karthala, Paris, 87.
[4] CONGREGATION POUR L’EVANGELISATION DES PEUPLES, Guide de vie pastorale pour les prêtres diocésains, n° 19 § 6.