Retraite sacerdotale 2011 - 9 -

Deuxième entretien du quatrième jour

       

Conseil pour nourrir sa vie spirituelle

Nous sommes fidèles à nos exercices et pourtant notre vie spirituelle ne semble pas se développer.

Mais qu’est-ce que la vie spirituelle ?

C’est moi, c’est ma vie humaine avec toute sa complexité, i.e. avec ma vie physique, sentimentale, affective, sexuelle, intellectuelle, culturelle, sociale, économique, politique, religieuse mais en tant qu’ouverte, réceptive, accueillante à l’intervention de Dieu, en tant qu’elle est en relation avec Dieu, en tant qu’elle est sous son influence.

Pour que ma vie spirituelle se développe  harmonieusement, il faut absolument la rencontre de deux éléments dont la qualité est à vérifier constamment.

Il y a un élément objectif…extérieur à moi, autre que moi et il y a un élément subjectif, i.e. moi, ma personne, mon vécu.

L’élément objectif :

C’est Dieu qui crée, qui agit, qui se fait proche, qui vient à ma rencontre, qui me parle…

C’est la Parole de Dieu qui m’interpelle, qui vient donner vie à toute ma personne, qui me transforme…

Cette Parole s’exprime dans sa création, dans sa révélation, dans sa communauté ecclésiale, dans les événements, dans les personnes, dans mes lectures…c’est la nourriture qui vient féconder le terrain que je lui offre.

L’élément subjectif :

C’est ma personne dans toute sa complexité, avec toutes ses dimensions. C’est ma personne bien incarnée dans telle situation,  qui vit tel engagement, qui fait face à tel défi…

Posons-nous quelques questions.

D’abord pour l’élément objectif :

Est-ce que je prends le temps de me nourrir, de bien me nourrir ?

Est- ce que je me nourris de la Parole de Dieu, de ce que Dieu veut vraiment exprimer en elle ? Est-ce que je prends au sérieux ce que nos évêques, nos commissions épiscopales me disent…comme aussi les événements vécus, les personnes rencontrées.

Qu’est-ce que je lis comme auteur spirituel ? Mais d'abord est-ce que je lis?

Puis pour l’élément subjectif :

Est-ce que je prends le temps d’écouter vraiment ?

Est-ce que j’ai le courage de soumettre toute ma personne à l’influence de la Parole ?

Est-ce que j’accueille la Parole dans tout mon vécu pour l’imprégner totalement de la vie évangélique ? Est-ce que j’apporte à la prière mes questions, mes révoltes, mes angoisses, tous les événements qui font ma vie présente ?

 

L’entretien

 

« Vous serez mes témoins…»

C’est à dire, nous serons les témoins de la Personne de Jésus. Nous dirons ce que nous avons entendu de sa bouche, ce que nous avons vu de nos yeux et surtout cette expérience unique de notre rencontre que nous avons vécue avec lui et qui nous a marqué à jamais.

Nous dirons Jésus dans nos paroles mais surtout dans notre vie, nos attitudes, nos comportements, nos engagements…

« Ce qui était dès le commencement, ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains ont touché du Verbe de Vie ; car la Vie s’est manifestée;

Nous l’avons vue, nous en rendons témoignage et nous vous annonçons cette Vie éternelle qui était tournée vers le Père et qui nous est apparue.

Ce que nous avons vu et entendu, nous vous l’annonçons, afin que vous aussi soyez en communion avec nous. 1 Jn1, 1-3.

Je vous invite cet après-midi à porter un regard prolongé sur Jésus tout entier tourné vers son Père. Je vous invite à vous assoir et à le regardé longuement et à le contempler.

Les disciples qui ont marché à la suite de Jésus pendant trois ans ont été témoins de ses paroles et de ses gestes. Ils ont approché ce qui a fait le cœur de sa vie, son mystère profond.

Ils ont pressenti qu’il était habité par une présence qui le comblait. Il était animé par un amour très fort.

Et lorsqu’on parcourt les Évangiles, on trouve des indices de ce mystère intérieur qui est à la source de sa vie.

Souvent Jésus aimait se retirer seul pour mieux le rencontrer…

« Le jour venu, il sortit et se rendit dans un lieu désert…» Lc 4,42.

« Or il advint en ces jours-là qu’il s’en alla dans la montagne pour prier et il passa toute la nuit à prier Dieu…» Lc 6,12.

« Or il advint, comme il était à prier, seul, n’ayant avec lui que les disciples, qu’il les interrogea en disant : < Qui suis-je au dire des foules ? > » Lc 9,18.

« Or il advint, environ huit jours après ces paroles, que prenant avec Lui Pierre, Jean et Jacques, il gravit la montagne pour prier…» Lc 9,28.

On ne peut comprendre vraiment la vie et l’engagement de Jésus que si on se rappelle que le cœur, l’essentiel de sa vie, c’est la personne de son Père qui le comble !

« Abba, Papa ! »

« La relation profonde que Jésus entretenait avec celui qu'Il appelait son ABBA constitue pour Albert Nolan le cœur de son être...il reflète une relation de très grande intimité, sans connotation masculine ou féminine, sans qu'il faille y voir une quelconque trace patriarcale. « C'est parce que nous n'avons pas encore fait l'expérience de Dieu comme ABBA que nous trouvons difficile de prendre Jésus au sérieux et de vivre comme il a vécu. L'expérience de Dieu comme ABBA est à la source de la sagesse de Jésus, de sa clarté, de sa confiance et de sa liberté radicale. Sans cela il est impossible de comprendre pourquoi et comment il a fait ce qu'il a fait....Sans un enracinement radical dans l'expérience de Dieu, nous n'aurons rien à dire à nos contemporains et demeurerons impuissants devant les défis que nous lancent notre époque...»

Suivre Jésus aujourd'hui, préface de Timothy Radcliffe o.p. p.8.

 

Toute sa vie, son dialogue intérieur se rapporte à Lui.

« Je te bénis, Père, Seigneur du Ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits ». Mt 11,25.

« Mon Père, s’il est possible, que cette coupe passe loin de moi ! Cependant, non pas comme je veux mais comme tu veux…» Mt 26,39.

« Père, pardonne-leur; ils ne savent pas ce qu’ils font. » Lc 23,34.

« Père, en tes mains, je remets mon esprit. » Lc 23,46.

Et plus tard, les disciples en le voyant prier ainsi manifesteront le désir eux aussi de prier comme Lui.

« Et il advint, comme il était quelque part à prier, quand il eu cessé, qu’un de ses disciples lui dit : < Seigneur, apprends-nous à prier comme Jean-Baptiste l’a appris à ses disciples. > Il leur dit : < Lorsque vous priez, dites :

Père, que ton nom soit sanctifié…> » Lc 11,1-4.

Cette prière, ces rencontres intimes avec son Père sont si essentielles pour lui qu’il invitera ses disciples à prier comme lui, à sa manière...pas des formules récitées machinalement mais un cœur-à-cœur.

« Quand vous priez, ne soyez pas comme les hypocrites : ils aiment, pour faire leurs prières, à se camper dans les synagogues et les carrefours, afin qu’on les voie. En vérité, ils tiennent déjà leur récompense.

Pour toi, quand tu pries, retire-toi dans ta chambre, ferme sur toi la porte et prie ton Père qui est là, dans le secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra. » Mt. 6,7.

« Demandez et l’on vous donnera; cherchez et vous trouverez; frappez et l’on vous ouvrira.

Quel est d’entre vous l’homme auquel son fils demandera du pain et qui lui remettra une pierre ?                       

Si donc vous qui êtes mauvais, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, combien plus votre Père qui est dans les cieux en donnera-t-il de bonnes à ceux qui l’en prient…» Mt 7,7-11.

« Veillez donc et priez en tout temps, afin d’avoir la force d’échapper à tout ce qui doit arriver et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. » Lc 21, 36.

Sa prière manifeste une union de cœur constante avec son Père. Cette union comble son cœur d’homme car Son Père est l’Amour de sa vie.

Mais sa prière n’est qu’une manifestation de son Amour pour son Père.

Toute sa personne est tendue vers une seule chose : faire coïncider toute sa vie avec le vouloir de son Père…faire le bon plaisir de son Père en tout !

…non pas travailler pour son Père…mais faire le travail de son Père.

Dès l’évangile de l’enfance de Luc, on trouve comme une présentation de tout ce qui va suivre. On y entend cette parole de Jésus à ses parents. C'est d'ailleurs sa première parole en Luc et sa dernière toujours dans l'Évangile de Luc  parle aussi du son Père.

« Pourquoi donc me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je dois être aux affaires de mon Père ? » Lc 2,49.

« Et moi je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis. » Lc 24,49.

Durant toute sa vie, il cherchera dans l’écoute de la Parole, dans les événements ce que veut vraiment son Père pour Lui. Tout n’est pas écrit d’avance et encore moins une fois pour toutes.

En Marc, il y a un passage très significatif concernant cette priorité absolue que Jésus donne à son Père à chaque moment de sa vie :

« Le matin, bien avant le jour, il se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert, et là il priait.

Simon et ses compagnons le poursuivirent et l’ayant trouvé ils lui disent : < Tout le monde te cherche > et Il leur dit : < Allons ailleurs dans les bourgs voisins afin que j’y prêche aussi, car c’est pour cela que je suis sorti. > » Mc 1,35-38.

C’est le disciple bien-aimé qui a peut-être pénétré le plus dans l’intimité de Jésus et qui a remarqué combien Jésus était uni à la volonté de son Père.

« Les disciples le priaient en disant : < Rabbi, mange. > Mais il leur dit : < J’ai à manger un aliment que vous ne connaissez pas. > Les disciples se disaient entre eux : < Quelqu’un lui aurait-il apporté à manger ? > Jésus leur dit : « Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé et de mener son œuvre à bonne fin. » Jn 4,31-34.             

« Il faut que le monde reconnaisse que j’aime le Père et que je fais comme le Père m’a commandé. Levez-vous. Partons d’ici ! » Jn 14,31.

« Je suis descendu du ciel pour faire non pas ma volonté mais la volonté de celui qui m’a envoyé. Or c’est la volonté de celui qui m’a envoyé que je ne perde rien de tout ce qu’Il m’a donné mais que je le ressuscite au dernier jour.

Oui, telle est la volonté de mon Père que quiconque voit le Fils et croit en Lui ait la Vie Éternelle et je le ressusciterai au dernier Jour. » Jn 6, 38-40.

« Je ne cherche pas ma volonté mais la volonté de celui qui m’a envoyé. » Jn 5, 31.

Les œuvres que Jésus a faites, ce sont les œuvres du Père.

« Les œuvres que le Père m’a donné à mener à bonne fin, ces œuvres mêmes que je fais, me rendent témoignage que le Père m’envoie. » Jn 5, 36.

Les paroles qu’il dit, ce ne sont pas les siennes mais celles du Père.

« Celui qui m’a envoyé est véridique et je dis au monde ce que j’ai entendu de lui…» Jn 8, 26-27.

« Ma doctrine n’est pas de moi mais de celui qui m’a envoyé. » Jn 7,16.

Le Christ ne parle pas de son propre chef. Jn 7,17-18.

Il dit ce qu’il a vu auprès du Père…Jn 1,18; 3,11; 8,38; 8,24.

Il ne cessera de dire les paroles et l’enseignement du Père …Jn 3,34; 8,28; 12,49,50; 14,24; 17,8.14.

Jésus regarde le vouloir de son Père comme si débordant d’amour et de tendresse et comme la source du bonheur, de la vie et de la vie en plénitude qu’il invitera ses disciples à le suivre sur cette route de la recherche et de  l’accomplissement de la volonté de son Père.

« Ce n’est pas en me disant : < Seigneur, Seigneur, qu’on entrera dans le Royaume des Cieux mais en faisant la Volonté de mon Père qui est dans les Cieux. » Mt 7,21.

« Quiconque vient à moi, écoute mes paroles et les met en pratique, je vais vous montrer à qui il est comparable. Il est comparable à un homme qui bâtissant une maison a creusé, creusé profond et posé les fondations sur le roc. » Lc 6, 47-48.

« Sa mère et ses frères vinrent le trouver mais ils ne pouvaient l’aborder à         cause de la foule. On l’en informe : « Ta mère et tes frères se tiennent dehors et     veulent te voir. » Mais il leur répondit : « Ma mère et mes frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique. » Lc 8,19-20 // Mc 3,31-35; Mt 12, 46-50 et aussi Lc 11,27-28 déjà cité plus tôt.

Chez Jésus, nous remarquons cette union, cette intimité très forte avec son Père qui va jusqu’à l’union de volonté. On sent chez lui une ouverture, une disponibilité, un désir de faire coïncider sa personne avec le vouloir de son Père.

Un autre trait qui ne peut pas ne pas nous frapper, c’est sa liberté face aux biens terrestres.  Mais aussi face à tout bien terrestre, que ce soit les honneurs, le pouvoir, la famille, on le sent libre. Pourtant il sait admirer les beautés de la création, les fleurs, les beaux champs de blé, l’eau limpide…

Il vit vraiment à la manière d’un nomade.

Déjà Luc dans son prologue a noté ce dénuement…c’est le signe que l’ange donne aux bergers pour qu’ils puissent le reconnaître.

« Soyez sans crainte car voici que je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple; aujourd’hui vous est né un sauveur qui est le Christ Seigneur, dans la ville de David. Et ceci vous servira de signe. Vous trouverez un nouveau-né enveloppé de langes et couché dans une crèche. » Luc 2, 10-12.

« < Maître, je te suivrai où que tu ailles.> Jésus lui dit : < Les renards ont des tanières et les oiseaux du ciel ont des nids; le fils de l’homme, lui, n’a pas où reposer la tête. » Mt 8,20.

Et Jésus invite ses disciples à ne pas thésauriser.

« Ne vous amassez point de trésors sur la terre où la mite et le ver consument, où les voleurs percent et cambriolent. Mais amassez-vous des trésors dans le ciel; là point de mite ni de ver qui consument, point de voleurs qui perforent et cambriolent. Car où est ton trésor, là sera aussi ton cœur. » Mt 6,19-21.

À ces disciples, il demande beaucoup. Au jeune homme riche qui lui demande ce qu’il faut pour obtenir la vie éternelle, Jésus lui répond :

« Une seule chose te manque. Va, ce que tu as, vends-le et donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans le ciel; puis viens, suis-moi. » Mc 10,21 // Lc 12,33-34; Mt 6,20-21.

Un jour les disciples rappellent à Jésus qu’ils ont tout laissé pour le suivre.

« Voici que nous, nous avons tout laissé et nous t’avons suivi, quelle sera donc notre part ?

En vérité, je vous le dis, à vous qui m’avez suivi ; dans le régénération, quand le Fils de l’Homme siègera sur son trône de Gloire, vous siégerez vous aussi  sur douze tribus d’Israël. Et quiconque aura laissé maisons, frères, sœurs, père, mère, enfants ou champs, à cause de mon nom, recevra bien davantage et aura la vie éternelle. » Mt 19,27-29.

Aux douze, il leur demande de partir en mission dans le dénuement.

« Il parcourait les villages à la ronde en enseignant. Il appelle à lui les douze et il se mit à les envoyer en mission deux à deux, en leur donnant pouvoir sur les esprits impurs.

Et il leur prescrivit de ne rien prendre pour la route qu’un bâton seulement, ni pain, ni besace, ni menue monnaie pour la ceinture, mais :

< Allez chaussés de sandales et ne mettez pas deux tuniques. > » Mc 6,6-13.

Pourquoi cette grande simplicité de vie ? Pourquoi ce dénuement ?

Pourquoi ce refus du pouvoir ?

Vous vous souvenez à la fin de la multiplication des pains, les gens disaient :

« C’est vraiment lui le prophète qui doit venir dans le monde !  Alors Jésus se rendant compte qu’ils allaient venir s’emparer de lui pour le faire roi, s’enfuit à nouveau dans la montagne, tout seul. »  Jn 6,14-15.

Pourquoi ce refus des honneurs, des titres ? À la suite de la guérison de deux aveugles, il leur dit : « Prenez garde ! dit-il. Que personne ne le sache ! Mais eux, étant sortis, répandirent sa renommée dans toute la contrée. » Mt 9,30-31.

Il critique les scribes et les pharisiens qui agissent de manière à se faire remarquer des hommes.

« C’est ainsi qu’ils font bien larges leurs phylactères et bien longues leurs franges. Ils aiment à occuper les premiers divans dans les festins et les premiers sièges dans les synagogues, à recevoir les salutations sur les places publiques et à s’entendre appeler < Rabbi > par les gens. » Mt 23,5-7.

La raison fondamentale est que Dieu est son Père et qu’Il l’est d’une façon unique. Son Père est tout pour Lui. Il est vraiment son trésor !

« Je suis dans le Père et le Père est en moi. » Jn 14,11.

« Mon père et moi, nous sommes un ! »

Combien de fois Jésus dira combien son Père l’aime !

« Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimé. » Jn 15, 9.

Jésus se sait et se sent aimé de son Père, comblé par Lui. Rappelons-nous lors de la transfiguration,  une voix se fit entendre de la nuée :

« Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur, écoutez-le » Mt 17,5.

Même parole qu’au baptême :

« Voici qu’une voix venue des Cieux disait : < Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur. » Mt 3, 17.

Jésus est l’envoyé du Père. Il est son Fils venu dans le monde pour nous sauver.

« Je suis sorti d'au près du Père et venu dans le monde. De nouveau, je quitte le monde et je vais vers le Père. » Jn 16,28.

« Dieu a tant aimé le monde qu’il a donné son fils unique afin que quiconque croit en lui ne se perde pas mais ait la vie éternelle. » Jn 3,16.

Jésus vit avec son Père une relation unique, une relation d’amour infini.

Et cette relation unique de fils, nous sommes invités à y participer, à y communier, à en vivre.

En Jésus, le Père nous regarde comme ses fils…En Lui, il nous appelle à devenir ses fils bien-aimés.

Ainsi être témoin de la personne de Jésus dans sa relation unique à son Père, c’est vivre en Lui, avec Lui, cette relation de fille et de fils bien-aimé du Père.

C’est vivre ses valeurs les plus fondamentales. C’est épouser ses grandes attitudes de vie…

Sa vie d’intimité avec son Père,

Sa totale disponibilité à ses désirs,

Sa grande liberté dans toutes ses relations humaines,

Son attachement de toute sa personne à son Père et à tous ses frères.

C’est d’ailleurs cette relation à son Père qui explique la qualité de sa relation avec nous.

« Comme mon Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimé !  » Jn 15,9.

Si on ne tient pas compte de cette relation fondamentale, on réduit l’évangile à une morale impossible à suivre. On fait de Jésus un philanthrope…aujourd’hui on dirait, un humanitaire !

C’est d’ailleurs notre expérience. La pauvreté de notre relation avec tous nos frères et sœurs, le fait que nous ayons tant de peine à voir tous les hommes et toutes les femmes que nous croisons comme des frères et des sœurs porteurs

d’un grand mystère d’amour, c’est que nous n’avons pas encore pris vraiment conscience de notre relation au Père et de sa relation avec nous et avec chaque personne.

« Tu es mon Fils bien-aimé, tu as toute ma faveur…» Mc 1,11.

Nous sommes invités à devenir les témoins de Jésus.

Il nous a invités à devenir ses disciples, à devenir ses frères et à accueillir Dieu comme son Père.

Par notre prière, notre obéissance – disponibilité, notre liberté face aux biens matériels, nous témoignons du mystère profond de Jésus tout attaché, tout orienté vers son Père, passionné pour son Père.

Nous révélons le cœur de Jésus comblé par l’amour que lui porte son Père.

Dans notre prière de cet après-midi, demandons au Seigneur de nous révéler toujours davantage son visage pour que nous  l’aimions toujours davantage, que nous nous attachions à Lui et que nous nous mettions à son service.

Je vous suggère le texte de Mc 1, 35-38.

 

Pour la prière de demain matin

Nous avons longuement contemplé cet après-midi Jésus tout entier tourné vers son Père parce qu’Il y trouve la plénitude de la vie et de l’amour.

Et nous nous sommes sentis invités à être à la suite de Jésus et à sa manière témoins de l’absolu de Dieu-Amour dans notre vie, témoins de la Plénitude de vie de Dieu Père-Fils-Esprit.

Et c’est au cœur de la contemplation de son Père que Jésus s’est senti envoyé au cœur du monde, au milieu de ses frères et sœurs, pour rendre témoignage de cet amour-tendresse-miséricorde de son Père pour chacun.

Jésus a été le parfait Témoin du Père au cœur du monde.

« Seigneur, montre-nous le Père…Philippe, qui me voit voit le Père. » Jn 14,8-9.

De quel Dieu, témoignons-nous ? Quel visage du Père reflétons-nous sur nos visages ? Nos attitudes, nos démarches, nos engagements  sont empreints de quel Esprit ?

Dans notre prière de demain matin, demandons au Seigneur qu’il nous façonne un cœur nouveau, qu’il fasse de nos personnes, des personnes-témoins de Son Pardon, de son Amour, de sa tendresse pour que nous puissions arriver à aimer tous ceux et celles qu'Il nous confie comme Il nous aime !

Prenons le temps de contempler Jésus qui rend présent son Père au milieu de ses frères et sœurs.

1. Jésus voit dans toutes les personnes qu’il croise un frère, une sœur, aimés de son Père.

Le regard de Jésus, comme on le mentionne souvent dans les évangiles !

Un regard qui va au-delà des apparences…rappelons-nous la veuve avec sa piécette d’argent au Temple de Jérusalem…en Mc 12,41-44.

Il devine le drame intérieur de chacun…

La veuve de Naïm en Luc 7,11-17

« En la voyant, il eut pitié d’elle…< Ne pleure pas !  > »

Il est délicat, compréhensif. Il laisse le cœur d’un chacun s’exprimer à sa manière. Rappelez-vous la remarque de Jésus devant ces hommes qui se scandalisaient de voir cette femme verser sur sa tête un parfum de grand prix.

« Pourquoi la tracassez-vous ? » Mc 14,3-9.

Il discerne l’abandonné, l’oublié, le laissé pour compte, le marginalisé.

Vous vous rappelez l’infirme de la piscine de Béthesda en Jn 5…infirme depuis 38 ans…Il s'adresse à lui avec beaucoup de respect.

« Veux-tu guérir ?…» Jn 5,1-18.

Il sent ce qui se vit dans le cœur d’un chacun.

« Quelqu’un m’a touché…ma fille, ta foi t’a sauvé; va en paix. » Luc 8,43.

Quel regard de bonté et d’affection il pose sur chacun !

2. Jésus communie au drame de chacun d’eux en frère aimant et compatissant.

Quel intérêt il porte à un chacun ! Un intérêt combien désintéressé. Il fait sien le drame d’un chacun. Il communie non pas seulement intérieurement mais dans des gestes, des démarches concrets.

« Ma fille est morte à l’instant. Et se levant, Jésus le suivit. » Mt 9,18.

Au centurion, il dit à propos de son enfant,

« Je vais aller le guérir. » Mt 8,5.

Et Lazare, comme il l’aimait cet ami !

« Seigneur, celui que tu aimes est malade…

Or Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare…

Notre ami Lazare repose mais je vais aller le réveiller. » Jn 11,3.5.11.

3. Jésus vibre de tout son être à la souffrance de ses frères, de son peuple; il l’a fait sienne.

Il l’aime vraiment son peuple, avec son cœur d’homme. C’est toute sa personne qui est impliquée dans son ministère.

« À la vue des foules, il en eu pitié car ces gens étaient las et prostrés comme des brebis qui n’ont pas de berger. » Mt 9,35.

Il pleure sur Jérusalem qui n’a pas su reconnaître en Lui Dieu qui la visitait.

« Jérusalem, Jérusalem, toi qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, combien de fois j’ai voulu rassembler tes enfants à la manière dont une poule rassemble sa couvée sous ses ailes…et vous n’avez pas voulu. » Luc 13, 34.

Sur le chemin du Calvaire,

« Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi ! Pleurez plutôt sur vous-mêmes et sur vos enfants. » Luc 23,28.

4. C’est aussi à cause de cette passion pour le bonheur de ses frères qu’il ne peut tolérer qu’on les exploite au nom de Son Père ou de la Loi.

Il dénoncera ce qui est fausseté, hypocrisie, tout ce qui, sous le couvert de la religion, contribue à dominer, à écraser, à exploiter.

Comme il a des paroles dures pour ceux qui cherchent à imposer des carcans, des poids, des pratiques qui enchaînent au nom de son Père !

Rappelons-nous les invectives contre les pharisiens en Mt 23,13-36.

5. Jésus va retrouver un chacun pour se faire proche de lui.

Aucune catégorie, aucune classe, aucun groupe religieux ou social n’est exclu. Mais il a un faible pour les exclus, les impurs, ceux et celles à qui l’accès au Temple est défendu.

Contrairement à toute la tradition prophétique, il va au devant des pécheurs. On le voit plus préoccupé de redonner le bonheur au cœur isolé que de demander réparation pour l’offense.

Il aide les uns et les autres à aller au-delà du jugement qu’ils se portent sur eux-mêmes ou que les autres portent sur eux pour leur faire découvrir l’image du Père imprimée au fond d’eux-mêmes tellement aimable.

Quelle liberté dans ses démarches ! Il ne vient rien défendre. Il ouvre un chacun à sa vocation de fille et de fils du Père !

6. Et pensons à sa préoccupation constante pour ceux et celles qui n’ont pas encore entendu la Bonne Nouvelle. Il a vers les uns et les autres…il ne veut oublier personne.

« J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cet enclos; celles-là aussi, il faut que je les mène. Elles écouteront ma voix. Et il y aura un seul troupeau. » Jn 10,16.

« Allons ailleurs, dans les bourgs voisins, afin que j’y prêche aussi car c’est pour cela que je suis sorti. » Mc 1, 38.

7. Pensons à tous ses efforts pour inculturer son message, pour le mettre à la portée de ses frères et sœurs.

En un mot, Jésus a tellement aimé tous les hommes ses frères qu’il s’est identifié à eux au point qu’en s’approchant d’eux, c’est de lui qu’on s’approche.

« En vérité, je vous le déclare, chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits, qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait. » Mt 25,40.

Quelle est grande notre vocation de témoin, de témoin de la toute- puissance de l’amour et du pardon du Père manifesté en Jésus jusque dans les villages les plus éloignés des centres.

Contemplons longuement Jésus. Que l’Esprit en nous nous le révèle et nous transforme de plus en plus en amour ! Demandons-lui que dans notre pauvreté, il nous enrichisse de son Amour !

Pour la prière, je vous suggère ce texte si profond de Mt, 25,31-46.

Et je termine par les textes d’Éloi Leclerc.                    

 

TEXTES POUR POURSUIVRE LA PRIÈRE

Qu’est-ce qu’évangéliser ?

Le Seigneur nous a envoyés évangéliser les hommes. Mais as-tu déjà réfléchi à ce que c’est qu’évangéliser des hommes ?

Évangéliser un homme, vois-tu, c’est lui dire : toi aussi, tu es aimé de Dieu dans le Seigneur Jésus et pas seulement lui dire mais le penser réellement.

Et pas seulement le penser mais se comporter avec cet homme de telle manière qu’il sente et découvre qu’il y a en lui quelque chose de sauvé, quelque chose de plus grand et de plus noble que ce qu’il pensait, et qu’il s’éveille ainsi à une nouvelle conscience de soi. C’est cela lui annoncer la Bonne Nouvelle. Tu ne peux le faire qu’en lui offrant ton amitié. Une amitié réelle, désintéressée, sans condescendance, faite de confiance et d’estime profonde.

+++

Il nous faut aller vers les hommes. La tâche est délicate. Le monde des hommes est un immense champs de lutte pour la richesse et la puissance. Et trop de souffrances et d’atrocités leur cachent le visage de Dieu. Il ne faut surtout pas qu’en allant vers eux, nous leur apparaissions comme une nouvelle espèce de compétiteurs. Nous devons être au milieu d’eux des témoins pacifiés du tout-Puissant, des hommes sans convoitises et sans mépris, capables de devenir réellement leurs amis. C’est notre amitié qu’ils attendent, une amitié qui leur fasse sentir qu’ils sont aimés de Dieu et sauvés en Jésus Christ ».                 

Eloi Leclerc, Sagesse d’un pauvre.

 

Evangelii Nuntiandi

« Tacitement ou à grands cris, toujours avec force, l’on demande : croyez-vous vraiment à ce que vous annoncez ? vivez-vous ce que vous croyez ? Prêchez-vous vraiment ce que vous vivez ?

Plus que jamais, le témoignage de la vie est devenu une condition essentielle de l’efficacité profonde de la prédication. Par ce biais-là, nous voici, jusqu’à un certain point, responsables de la marche de l’Évangile que nous proclamons….

Le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent comme s’ils voyaient l’invisible.

Le monde réclame et attend de nous simplicité de vie, esprit de prière, charité envers tous, spécialement envers les petits et les pauvres, obéissance et humilité, détachement de nous-mêmes et renoncement.

Sans cette marque de sainteté, notre parole fera difficilement son chemin dans le cœur de l’homme de ce temps. Elle risque d’être vaine et inefficace. » E.N. 76

 

« La spiritualité missionnaire est caractérisée également par la charité apostolique, celle du Christ, venu « afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » Jn 11,52., du bon pasteur qui connaît ses brebis, qui les chercher et qui offre sa vie pour elles. Jn 10…

Le missionnaire est poussé par le « zèle pour les âmes » qui s’inspire de la charité même du Christ, faite d’attention, de tendresse, de compassion, d’accueil, de disponibilité, d’intérêt pour les problèmes d’autrui.

Le missionnaire est l’homme de la charité : pour pouvoir annoncer à chacun de ses frères qu’il est aimé de Dieu et qu’il peut lui-même aimer, il doit faire preuve de charité envers tous, dépensant sa vie pour son prochain.

Le missionnaire est le frère universel; il porte en lui l’esprit de l’Église, son ouverture et son intérêt envers tous les peuples et tous les hommes, spécialement les plus petits et les plus pauvres.

Comme tel, il dépasse les frontières et les divisions de race, de caste ou d’idéologie. Il est signe de l’amour de Dieu dans le monde, i.e. de l’amour dans aucune exclusion ni préférence. »

Redemptoris  Missio no. 89.

« Le missionnaire n’est authentiquement missionnaire que s’il s’engage sur la voie de la sainteté.

Il doit être un contemplatif dans l’action. S’il n’est pas un contemplatif, il ne peut annoncer l’Évangile de manière crédible; il est témoin de l’expérience de Dieu et doit pouvoir dire comme les apôtres : « Ce que nous avons contemplé…du Verbe de Dieu, nous vous l’annonçons. » I Jn1,1-3.

Le missionnaire est l’homme des béatitudes. Avant de les envoyer évangéliser, Jésus instruit les douze en leur montrant les voies de la mission :

pauvreté, douceur, acceptation des souffrances et des persécutions, désir de justice et de paix, charité…précisément les béatitudes, réalisées dans la vie apostolique. En vivant les Béatitudes, le missionnaire expérimente et montre concrètement  que le Règne de Dieu est déjà venu et qu’il l’a déjà accueilli.

La caractéristique de toute vie missionnaire authentique est la joie intérieure qui vient de la foi. Dans un monde angoissé et oppressé par tant de problèmes, qui est porté au pessimisme, celui qui annonce la Bonne Nouvelle, doit être un homme qui a trouvé dans le Christ la véritable espérance. »

7 décembre 90 : Redemptoris Missio n° 90-91.

 

Textes bibliques pour prolonger la prière…

1 Jn 1,1-3; Luc 2, 10-12; 4,42;8,19-20; 9,18; 9,28; 11,27-28; Mt 6, 6-13; 11,25; 6,7;7,7-11; 19, 27-29; Mc 1, 35-38; Jn 4,31-34; Jn 6, 38-40; Jn 15,9.

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