Session Formation des jeunes prêtres du Burkina - 3 -

2.  PREMIER CHAPITRE

 

2.1.    Autoprise en charge et libération

 

Le chapitre premier, en traitant tout d’abord des problématiques initiales de l’autoprise en charge s’attache à montrer que l’autonomisation s’inscrit dans un processus ou est portée par une tendance tout à fait naturelle ; c’est le contraire qui constitue un handicap et qui finit par créer des groupes sociaux d’éternels assistés ; les changements qu’elle appelle sont inscrits comme des constantes dans l’histoire et l’évolution humaines ; la dépendance technologique, financière et de consommation qui est observée en Afrique au Sud du Sahara au niveau des Nations et des Diocèses apparait tout à fait paradoxale et s’affirme comme un immense défi qui va à l’encontre les dynamiques sociales observées ailleurs. Le chemin qui permet de relever un tel grand défi est celui de la libération, ce concept d’une très grande richesse à la fois théorique et opérationnelle.

 

Ainsi, le concept de libération correspond à une idée motrice et à des taches spécifiques. Il est un point de passage obligé, une source d'inspiration de programmes pour toute action en société. La libération se positionne ainsi comme une étoile bergère dans le firmament social. Sous la dynamique de la libération, il s'agit de contribuer à achever l'humain dans l'homme (sens inclusif d'être humain), comme être social (relations fraternelles de convivialité dans la communauté et d'épanouissement en famille), comme sujet personnel (singulier et irréductible, non massifiable) et comme créature participant à et partageant la nature de Dieu, sa source qu'il est appelé à rejoindre, libéré…!

 

Je pense en effet que la volonté de libération (affranchissement) est prédominante dans la condition humaine et sa dynamique de vie. Les rites africains de la dépossession ne visent-elles pas à constamment construire une éthique (une vie) nouvelle, celle d'hommes et de peuples promus au statut de la liberté ? "Qu'est-ce donc que sauver l'homme?... C'est donner ses chances à la justice qu'il est le seul à concevoir" (Camus). Il ne s'agit pas de proclamer la liberté mais de coopérer, de participer à la création des conditions, objectives et subjectives, de la libération.

 

Une telle mission de libération exige une fidélité active de tous les partenaires locaux aux tâches permanentes de contestation, de revendication et de participation, avec pour objectifs de rompre les chaines des différentes aliénations qui contribuent aux dépendances de masse. C'est travailler à la mise en place d'une praxis libératrice, avec ses ruptures et ses radicalités et qui exige la transformation des structures de domination de la vie collective nationale, locale, diocésaine etc.

 

Ces processus, en quelque sorte externes et matériels, requièrent pour assurer le plein épanouissement de la personne humaine, en tant que sujet personnel, la libération intérieure : (i)  pour les pauvres il s’agira de rompre avec les équilibres de l'accommodation à la pauvreté et les tendances collectives au retour à cet équilibre; (ii) pour les plus nantis il s’agira de rompre avec la praxis de l'injustice structurante par laquelle des riches produisent, accroissent et conservent pour eux des richesses en dominant et en exploitant les pauvres…. La diaconie politique et sociale, en contribuant par à la libération des pauvres, qu’ils soient prêtres ou laïcs, développera, ce faisant, des instances de rencontres et d'échanges,  lieux de solidarité et de convivialité.

 

2.2.    L’autoprise en charge des Diocèses du Burkina Faso

 

La participation des laïcs à l’autonomisation des Diocèses au Burkina Faso demeure faible. Les principales causes de cette faiblesse sont notamment :

 

-   le manque d’information et de transparence sur la situation financière des communautés diocésaines,

-   le faible niveau de programmation des activités des Diocèses et des Paroisses et la non-implication des fidèles,

-   les insuffisances en matière de gestion des Diocèses et des Paroisses, du fait de la non-maîtrise du système de gestion,

-   le faible nombre des activités génératrices de revenus (AGR).

 

Pourquoi les différents appels des Evêques du Burkina Faso, face à l’impérieuse nécessité de mobiliser des fonds à l’intérieur du pays, à l’endroit des fidèles pour plus de contribution financière n’ont pas encore eu un effet de mobilisation populaire ? Les principales raisons sont les suivantes :

 

-   les laïcs ne sont pas suffisamment impliqués dans la programmation et la réalisation,

-   ils ne participent pas suffisamment à la prise en charge des Prêtres, des Religieux et des Religieuses et des Catéchistes,

-   ils ne participent pas suffisamment à la mobilisation des ressources,

-   ils ne participent pas à la collecte du denier de l’Eglise, etc.

 

Les Prêtres, les Religieux et les Religieuses estiment qu’au delà des appels des Evêques, pour impliquer davantage les fidèles à la programmation et aux activités de l’Eglise, il faudrait :

 

-   former les laïcs,

-   mener une réflexion globale pour inciter les fidèles à la participation,

-   sensibiliser l’ensemble des Paroissiens,

-   améliorer la collaboration clergé-laïcs

-   s’engager avec le souci de réussir et d’atteindre des résultats mesurables.

 

2.3.    Analyser la pauvreté nationale car elle éloigne de l’autoprise en charge

 

2.3.1.      Distinguer la pauvreté de la misère

 

Il y a lieu d’opérer, tout d’abord, une distinction claire entre la pauvreté et la misère ; c’est la misère qu’il faut combattre et éliminer tandis que la pauvreté, elle, est une vertu, un style de vie, un choix de vie fondée sur la sobriété, la frugalité et le minimum vital. Ce qu’il faut donc extirper des sociétés africaines c’est la misère pour retrouver la « grande dignité des pauvres » (Bossuet). C’est la misère qui défigure le visage de Dieu en l’homme et le visage de l’homme en Dieu. Cette tâche urgente est une ardente obligation sociale.

 

Au demeurant, les économistes en analysant la pauvreté arrivent à celle qu’ils qualifient de pauvreté abjecte et qui correspond à la misère. La misère se traduit par  la précarité, la famine, le chômage permanent, la mendicité, l’absence de logis, l’inculture, etc. et peut aller jusqu’au mépris de soi. La misère (ou la pauvreté abjecte) vient empêcher l’ouverture de l’homme à sa dimension personnelle et spirituelle ; il reste comme enfermé dans un « zoo humain ».

 

La pauvreté, quant à elle, n’est pas la misère ; la pauvreté, au sens positif, désigne le fait d’avoir le minimum nécessaire et non le superflu, c’est la pauvreté du juste milieu que doit accompagner l’utilisation désappropriée des biens.

 

En effet, un pauvre qui est un agent économique actif est déjà un entrepreneur même lilliputien qu’il faut accompagner pour qu’il génère des revenus par ses activités. Il faut la positiver. Car, la pauvreté est vertu tandis que la trop grande richesse étouffe en l’homme le sens de la Présence transcendante en le repliant de manière soit dominante soit exclusive sur sa biologie ; ainsi du consumérisme, des gaspillages, de l’exploitation des autres, du néo-esclavagisme, des endettements à l’excès, etc. La pauvreté est une richesse pour les personnes comme pour les peuples, écrit Albert Tévoedjré.

 

2.3.2.      Analyser la pauvreté nationale

 

La pauvreté est un facteur aggravant de la dépendance individuelle et sociale et ce d’autant plus qu’on est plus pauvre en Afrique qu’ailleurs et qu’on y vit pauvre pour plusieurs raisons ; celles qui sont liées à des considérations que l’on retrouve (i) dans des évènements ou mieux les violences des évolutions historiques et leurs emprises contemporaines, toujours présentes aujourd’hui, (ii) dans le présent où l’on observe les lenteurs des ajustements ainsi que dans les ambiguïtés des comportements individuels ; il en ressort des inhibitions sociales auxquelles les blessures de l’histoire ancienne et récente auront conduit les Africains. Ainsi, le lien entre renforcer les capacités et lutter contre la pauvreté peut mieux se comprendre en examinant de manière plus détaillée les causes de la pauvreté, à savoir, pourquoi est-on plus pauvre en Afrique qu’ailleurs ? 

 

Les Prêtres vivent dans ce contexte où la pauvreté est le pain quotidien d’environ 44% de la population ; il s’agit d’un contexte de violence sociale dont l’impact à long terme aggravé par la jeunesse de la population (1 Burkinabe sur 2 a moins de 15 ans et près de 60% a moins de 20 ans!) augure d’instabilités sociales majeures, en dépit de la bonne volonté des gouvernants. Au Niger, le taux de croissance démographique est de 3,7%, correspondant au taux le plus élevé du monde.

 

Evolution des indicateurs de pauvreté au Burkina Faso, selon les quatre (04) enquêtes

Source : Données d’enquêtes-INSD

 

L’analyse de la pauvreté permet de mieux comprendre qu’elle apparait avec d’autant plus de contraste que sont apparues des comparateurs internationaux, que sont en œuvre des systèmes d’exploitation et de rente dont les effets se trouvent aggravés par de nombreux facteurs internes et des gouvernances publiques souvent corrompues et qui prioritisent la modernisation par rapport au développement et à ses créations de valeurs ajoutées.

 

2.4.    Des pistes pour changer de mentalité et réaliser l’autoprise en charge

 

Des Prêtres africains pourraient retrouver des chemins anciens tels ceux empruntés par des Jésuites, il y a plusieurs siècles en Amérique Latine auprès des Indiens et ré-initier des pratiques d’autonomisation économique et d’endogénéité sociale non seulement pour l’Eglise en tant qu’institution mais aussi pour les communautés des fidèles et plus largement rechercher des effets voire des impacts à long terme sur l’ensemble de la société. En effet, ce dont il s’agit c’est de promouvoir le changement pour ne pas courir le risque de périr. Voici quatre pistes :

 

-   Savoir piloter le changement,

-   Se mettre en quête d’endogénéité, en enseignant la culture africaine associée aux pratiques du développement,

-   Moderniser les traditions initiatiques en en ajustant les contenus,

-   S’inspirer de l’exemple des Bunjin au Japon au 18ième siècle.

 

Période

d'enquête

Seuil de pauvreté

en FCFA

Incidence

P0 (%)

Profondeur P1 (%)

Sévérité P2

(%)

Ecart de P0 par

rapport à 2009

1994/1995

41 099

44,5

13,9

6

-0,6

1998

72 690

45,3

13,7

5,9

-1,4

2003

82 672

46,4

15,6

7,1

-2,5

2009/2010

108 374

43,9

14,4

6,5

-

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