Chapitre III – L’Apocalypse de St Jean
I. Quelques clés de lecture[i]
-Le genre littéraire
Le genre littéraire apocalyptique est né au 2è s. av. J C, comme une expression originale de la tradition prophétique dont il amplifie les aspects visionnaires. Littérature de temps d’épreuves, il va se développer au sein du judaïsme jusqu’au 2è s. après J C. Les principaux produits sont, pour ce qui est des écrits canoniques, le livre de Daniel, certaines parties d’Ezéchiel et d’Isaïe (Is 24-27 ; 34-35), voire des Evangiles (Mt 24, 4-36 et parallèles) ; et, parmi les écrits non bibliques, le livre d’Hénoch, le Livre des Jubilés, le Testament des Douze patriarches, l’Assomption de Moïse, etc. Si de nombreux livres apocalyptiques sont antérieurs à l’Apocalypse de Jean, celle-ci est cependant l’écrit qui donnera leur nom à tous les ouvrages du genre. Les caractères communs à toute cette littérature sont les suivants :
1. Ces écrits fleurissent surtout en temps de persécution et ont comme objectif de consoler et d’encourager les persécutés en les rassurant quant à l’issue de leur combat : Dieu et son messie remporteront la victoire et ceux qui auront persévéré jusqu’à la fin seront associés à cette victoire inéluctable. On sait que le livre de Daniel, un excellent exemple du genre, fut écrit sous la grande persécution déclenchée par Antiochus Epiphane (175-163, voir 1 Mac 1-6).
2. dans la mesure où ils prédisent des événements futurs, ils s’apparentent au genre prophétique (cf. Ap 1, 3), mais s’en distinguent pourtant sur de nombreux points fondamentaux (cf. la comparaison entre le prophétisme, les apocalypses juives et celle de Jean dans les développements sur les genres littéraires des écrits johanniques).
3. Littérature de temps de crise (persécution), ces écrits sont en général « cryptés » et ne se laissent déchiffrer que par les destinataires qui en connaissent le code. L’expression imagée des idées peut dérouter le lecteur moderne. Cette difficulté sera vite surmontée si on est attentif à substituer à chaque image l’idée qu’elle exprime sans se soucier de l’incohérence fréquente des images successives, à laquelle l’auteur, un sémite, ne porte aucune attention. Ce qui compte à ses yeux, et donc ce qui doit compter aux nôtres si nous voulons le comprendre, c’est la cohérence des idées sous-jacentes aux images, et cette cohérence est parfaite.
Quelques clés d’interprétation du riche symbolisme de l’Apocalypse :
La tête | L’autorité |
Les yeux | La connaissance |
La main | La puissance |
les pieds | La stabilité |
les cheveux blancs | L’éternité |
La corne | La force |
Les ailes | La mobilité |
Position debout/assise | Signe de résurrection/stabilité |
Longue robe | Dignité sacerdotale |
Ceinture d’or | Dignité royale |
Le blanc | La pureté, la joie |
Le rouge-sang | Le meurtre |
L’écarlate | Le luxe |
Le vert | La mort |
Trois | Chiffre de la divinité |
Quatre | Chiffre de la création |
Sept | perfection |
Douze | Chiffre d’Israël (ancien et nouveau) |
Mille et multiples | Grand nombre, multitude infinie |
Dix | Quantité non négligeable |
Six | Imperfection/chiffre de l’homme |
Trois et demi | Durée imparfaite, temps déterminé |
Deux | Quantité suffisante |
Voici présentée dans un tableau à deux colonnes, une relecture de la description de l’Agneau immolé (cf Ap 5,1) à partir de ces clés d’interprétation des symboles. La colonne de gauche contient la traduction littérale, celle de droite l’interprétation :
Et je vis | Et je vis |
Au milieu du trône | Partageant la divinité du Père |
Et des quatre vivants | Dominant toute la création |
Et au milieu des vingt-quatre anciens | Et les anges représentant le temps de l’histoire |
Un agneau | Jésus, l’agneau de Dieu annoncé par Jean-Baptiste |
debout | ressuscité |
Comme immolé | Après le sacrifice de la croix |
ayant sept cornes | Possédant la plénitude de la force |
Et sept yeux | Et la plénitude de la connaissance |
En lisant ce tableau, on ne peut que rejoindre TROADEC dans sa conclusion et s’écrier : Mais qui ne perçoit la sèche platitude de l’interprétation en comparaison de la richesse évocatrice des images ! Et cette interprétation laisse sûrement perdre quelques enseignements complémentaires contenus dans le symbolisme…