Quatrième Partie : UNITE ET UNICITE DE L’EGLISE
La quatrième partie de la déclaration, sans doute la plus importante, est aussi celle qui a été la plus critiquée. Il concerne l'unicité et l'unité de l'Eglise fondée par le Christ, qu'il a promis de ne jamais abandonner et de guider par son Esprit. Seule donc l'Eglise catholique assure la continuité historique de l'Eglise fondée par le Christ. La déclaration cite alors le célèbre passage de Lumen Gentium: « Cette Eglise (du Christ) comme société constituée et organisée en ce monde, c'est dans l'Eglise catholique qu'elle se trouve [subsistit in], gouvernée par le successeur de Pierre et les Evêques qui sont en communion avec lui »[1]. La déclaration Dominus Jesus a le mérite d'éclaircir sans ambages cette expression : «Par l'expression subsistit in, le concile Vatican II a voulu proclamer deux affirmations doctrinales : d'une part, que malgré les divisions entre chrétiens, l'Eglise du Christ continue à exister en plénitude dans la seule Eglise catholique; d'autre part, “que des éléments nombreux de sanctification et de vérité subsistent hors de ses structures”, c'est-à-dire dans les Eglises et Communautés ecclésiales qui ne sont pas encore en pleine communion avec l'Eglise catholique. Mais il faut affirmer de ces dernières que leur “force dérive de la plénitude de grâce et de vérité qui a été confiée à l'Eglise catholique”»[2].
Depuis son origine, l’Eglise n’a cessé d’exister au cours de l’histoire et existera toujours. C’est en elle seule que demeurent à jamais tous les éléments institués par le Christ lui-même. «Telle est l’unique Eglise du Christ, que dans le Symbole nous reconnaissons comme une, sainte, catholique et apostolique»[3]. Le Concile Vatican II avait choisi le mot subsistit in précisément pour mettre en lumière qu’il existe une seule « subsistance » de la véritable Eglise, alors qu’en dehors de son ensemble visible, existent seulement des éléments de la même Eglise qui tendent et conduisent vers l’Eglise catholique[4]. Il faut noter l’insistance sur l’affirmation selon laquelle l’Eglise du Christ subsiste dans l’Eglise catholique reflète la préoccupation de sauvegarder l’unité et l’unicité de l’Eglise. Cette unité et cette unicité seraient affaiblies si on admettait par l’existence de plusieurs subsistances de l’Eglise fondée par le Christ. En effet, comme l’affirme la déclaration Mysterium Ecclesiae, s’il en était ainsi, on en viendrait à imaginer «l’Eglise du Christ comme étant simplement la somme d’Eglises et de communautés ecclésiales » ou à «penser que l’Eglise du Christ n’existe nulle part aujourd’hui et que, pour cette raison, elle doit être considérée comme seulement un objet de recherche pour toutes les Eglises et communautés»[5]. L’unique Eglise du Christ n’existerait plus comme une dans l’histoire, ou bien elle existerait de manière idéale.
Il faut souligner au passage qu’une première version du n°8 de la Constitution dogmatique sur l’Eglise, Lumen Gentium, disait que l’Eglise catholique « est » l’Eglise fondée par Jésus-Christ, ce qui pourrait signifier qu’en dehors d’elle il n’y avait rien. A la suite des débats où il fut rappelé que l’Eglise catholique reconnaît le baptême des autres chrétiens et que l’on peut percevoir l’action de l’Esprit Saint en eux et dans les communautés auxquelles ils appartiennent, il fut décidé de remplacer le verbe être par le verbe subsister.
Depuis lors, ce passage de Lumen Gentium a suscité beaucoup de débats, parce que tous ne lui accordent pas la même portée. Les discussions intenses à ce sujet, jusqu’à nos jours, ont amené la Congrégation pour la Doctrine de la Foi à produire un document intitulé Réponses à des questions concernant certains aspects de la doctrine de l’Eglise, pour « préciser la signification authentique de certaines expressions ecclésiologiques du Concile Vatican II et du Magistère qui risquent de provoquer confusions ou malentendus dans le débat théologique »[6].
[1] CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Dominus Jesus, n 16 ; CONCILE VATICAN II, Lumen Gentium, n 8.
[2] CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Dominus Jesus, n 16.
[3] CONCILE VATICAN II, Lumen Gentium, n 8.
[4] Cf CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Notification à propos du livre du Père Leonardo BOFF : Eglise : charisme et pouvoir, AAS 77 (1985), pp. 756-762 ; cf AAVV, L’Eglise. Constitution dogmatique Lumen Gentium, coll. Vivre le Concile, Mame, 1996, p. 55.
[5] CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Déclaration Mysterium Ecclesiae, n 1, DC 70 (1973), p. 665.
[6] CONGREGATION POUR LA DOCTRINE DE LA FOI, Réponses à des questions concernant certains aspects de la doctrine de l’Eglise, 29 juin 2007.