I° DIMANCHE DE CAREME
Dt 26, 4-10 / Ps 91 / Rm 10, 8-13 / Lc 4, 1-13
12. « Jésus fut conduit par l’Esprit Saint à travers le désert où pendant quarante jours, il fut mis à l’épreuve par le démon ».
Frères et sœurs, fils et filles de l’Eglise Famille de Dieu à Koudougou, nous voici conduits comme notre Seigneur et grand frère Jésus, au désert du carême. Le grand carême est le temps où l’Eglise s’unit au mystère de Jésus au désert. Ainsi, pendant quarante jours, nous serons mis à l’épreuve. Quelle épreuve ? L’épreuve de la fidélité au Seigneur par l’adoration et l’ascèse, l’épreuve de notre fidélité au Seigneur et à sa parole.
Si Jésus n’a jamais fléchit aux injonctions et tentations du démon, c’est parce qu’il est Dieu certes, mais c’est surtout parce qu’il est fidèle à son Père. N’oublions pas qu’Il est vrai Dieu et aussi vrai Homme. Sa nourriture c’est de faire la volonté de celui qui l’a envoyé (cf. Jn 4, 34). Faire de la volonté de Dieu sa nourriture commande de ne pas mettre Dieu à l’épreuve. « Contrairement à ceux qui provoquèrent jadis Dieu pendant quarante ans au désert, le Christ se révèle comme le serviteur de Dieu totalement obéissant à la volonté divine. Jésus est vainqueur du diable. Il a ligoté l’homme fort pour lui reprendre son butin. La victoire de Jésus sur le tentateur au désert anticipe la victoire de la passion, obéissance suprême de son amour filial du Père » (CEC 540).
13. Pour suivre le Christ sur son chemin de victoire essayons de voir le mode opératoire du tentateur :
« Si tu es le Fils de Dieu, jette-toi en bas» (3° tentation). Ici, comme dans la première tentation, la stratégie du démon consiste à vouloir semer le doute en Jésus à propos de son identité réelle et profonde : Si tu es le Fils de Dieu ! A sa place, l’orgueil nous aurait poussés à dire : « Ah bon ! Tu veux savoir si je suis fils de Dieu ? Eh bien ! tu le sauras ». Et nous voici pris dans le piège. Mais quand on est Fidèle à la volonté de Dieu, on se réfère à Dieu pour donner réponse à toutes les situations.
Dieu a dit : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu ». Troisième défaite du démon et troisième victoire assurée du Christ. En nous référant au symbolisme du chiffre « 3 »,nous disons : défaite totale du démon et victoire parfaite du Christ. Cette belle victoire du Christ nous enseigne que la norme de toute chose est Dieu ; pas le démon, pas l’homme.
Frères et sœurs, si le démon nous tente au cours du carême, référons-nous toujours à Dieu et à sa parole. Cette référence est notre seule arme de Victoire. Le psalmiste l’a bien compris quand il clame :« aux uns les chars, aux autres les chevaux, à nous le nom de notre Dieu. Eux ils plient et s’effondrent, nous débout, nous résistons ».
14. Face à Jésus, le démon a plié. L’auteur du livre de l’Apocalypse écrit : « l’accusateur de nos frères est rejeté, ils l’ont vaincu (…) par la parole dont ils furent les témoins »(Ap 12, 10-11). Cette parole est près de nous, elle est dans notre bouche et dans notre cœur pour que nous puissions la vivre et la proclamer (selon le témoignage de la deuxième lecture, la lettre aux Romains). Le vécu de la Parole de Dieu fait de notre vie une adoration perpétuelle.
Après une première défaite, le diable passe par des manœuvres dilatoires, et continue de faire diversion : « Je te donnerai tout ce pouvoir, et la gloire de ces royaumes, car cela m’appartient et je le donne à qui je veux. Toi donc, si tu te prosternes devant moi, tu auras tout cela ». A travers cette déclaration, nous avons la preuve que le diable s’érige en ennemi de Dieu. A Dieu seul revient l’adoration : « Tu te prosterneras devant le Seigneur ton Dieu, et c’est lui seul que tu adoreras ».
15. S’agissant du pouvoir et de la gloire, ils appartiennent également à Dieu. Rappelons-nous les paroles du Christ après sa Résurrection : «Tout pouvoir m’ a été donné au ciel et sur la terre (Mt 28, 18) ». Il ajoute dans l’évangile de Jean : « le Père a donné pouvoir au Fils d’exercer le jugement » (Jn 5, 26-27). A propos de la gloire, écoutons encore Jésus : « Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils… Père glorifie moi auprès de toi, de la gloire que j’avais auprès de toi, avant que fût le monde » (Jn17,1.5). D’ailleurs l’Ecriture atteste que la terre est remplie de la gloire de Dieu (Is 6,3). Nous percevons clairement, à la lumière de ces passages, que le pouvoir et la gloire sont des attributs divins. Si le pouvoir et la gloire appartiennent à Dieu seul, ce que Satan propose n’est ni un pouvoir, ni une gloire. Voilà pourquoi les puissants de ce monde commandent en maîtres alors que Jésus nous fait savoir que nous n’avons qu’un seul maître (Mt23, 8). Il est le Seigneur et le Maître (Jn13, 13 -14). Comme au jardin de la Genèse, Satan veut nous amener encore à croire que nous pouvons devenir comme Dieu. Pire, il veut nous faire croire qu’il peut nous donner le pouvoir et la gloire. Il nous oppose implicitement à Dieu.
Nous savons tous qu’avec l’argent, on peut acheter beaucoup de choses. Mais on n’achètera jamais le pouvoir et la gloire qui appartiennent à Dieu. De ce fait, même dans nos moments detentation, demandons la grâce du discernement pour vaincre le tentateur. C’est ce que Jésus a fait. En disant qu’on ne doit se prosterner que devant Dieu seul, il enseigne qu’à Dieu seulappartiennent le pouvoir et la gloire. Le carême est un tempsfavorable pour une fidélité à nos moments de prières et à nosmoments d’adoration pour signifier à notre tour qu’on ne doit se prosterner que devant Dieu seul. Cette fidélité qui nourrit notre foi est possible quand nous vivons l’ascèse.
16.L’épreuve de l’ascèse. Quoiqu’on dise, il n’y a pas de sainteté sans ascèse ; et il n’y a pas d’ascèse sans endurance etpersévérance.« Ordonne à ses pierres de devenir du pain ». Cela a été la toute première tentation du diable. Le réflexe d’un affamé devant du pain est de manger. Et après avoir mangé, on cherchera à boire. Ce que Satan visait, ce n’est pas tant le miracle que larupture de l’ascèse vécue par Jésus dans la soif et la faim.
Luc prend soin de préciser que Jésus avait faim. Mais la faim de Dieu a été plus forte que la faim de l’aliment. La faim de l’aliment, vécue volontairement dans l’esprit du carême, attise la faimspirituelle de Dieu. En plus, elle donne de l’énergie à l’âme dans son combat contrel’adversaire. Evitons alors de banaliser ou de balayer du revers de la main, les efforts de jeûne vécu par les uns et les autres. Certes, nous pouvons dire que cela sans lesœuvres de foi ne rime à rien, mais sachons que beaucoup de saints sont passés par l’ascèse du jeûne.La préface III du carême en dit long : « Tu accueilles nos pénitences comme une offrande à ta gloire ; car nos privations, tout en abaissant notre orgueil, nousinvitent à imiter ta miséricorde ». Il en est de même pour la Préface IV : « Tu veux, par notre jeûne et nos privations, réprimer nosesprits, nous donner la force et enfin la récompense, par le Christ, notre Seigneur ».
17.D’ailleurs les textes du mercredi des cendres ne banalisent pas le jeûne, mais dénoncent sa pratique pharisaïque : « quand tu jeûnes, ne prends pas un air abattu, comme ceux qui se livrent en spectacle… quand tu jeûnes, parfume-toi la tête et lave-toi levisage ; ainsi ton jeûne ne sera pas connu des hommes, maisseulement de ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père voit ce que tu fais en secret : il te le revaudra » (évangile du mercredi des Cendres).
La Parole de Dieu nous exhorte à éviter la ripaille et labeuverie même en temps normal. J’encourage donc ceux qui,pendant ces quarante jours, se priveront de nourritures en vue d’avoir la force de Dieu :
D’une part pour crucifier la chair avec ses passions et sesdésirs qui sont : libertinage, impureté, débauche, idolâtrie, magie, haines, discorde, jalousie, emportements, rivalités, dissensions, factions, envie, beuveries, ripailles etc. (cf. Ga5, 19-21),
D’autres part pour accomplir des œuvres de foi à savoir : charité, paix, bonté, bienveillance, douceur, maîtrise de soi, entraide, etc. (cf. Ga 5, 22-25).
C’est ainsi que nous pourrons dire à Satan : « ce n’est pas seulement de pain que l’homme doit vivre, mais de l’amour de Dieu et du prochain. Un amour dont la ligne de conduite estdonnée par Saint Paul : l’amour prend patience, l’amour rendservice, il ne jalouse pas, il ne plastronne pas, il ne s’enfle pas d’orgueil, il ne fait rien de laid, il ne cherche pas son intérêt, il ne s’irrite pas, il n’entretient pas de rancune, il ne se réjouit pas de l’injustice, mais il trouve sa joie dans la vérité (1 co13, 4-6).
18.Frères et sœurs, hier, c’était les égyptiens qui maltraitaient le peuple de Dieu jusqu’à le réduire à la pauvreté (livre duDeutéronome). Aujourd’hui, ce sont nos péchés, nos manques de pardon, de réconciliation et d’amour dans nos familles et dans la société qui nous imposent un dur esclavage. Il est temps de nous approcher du Seigneur et de crier vers lui. Hier, Il a entendu la voix de son peuple ; aujourd’hui Il entendra aussi notre voix, nous les membres de son nouveau peuple né du mystère pascal de son Fils. Le carême est ce temps favorable pour se rapprocherdavantage de Dieu, implorer son pardon et sa miséricorde, etproduire des œuvres de foi. Chacun peut le faire en fonction de ses possibilités physiques et spirituelles. A côté de la grandeascèse d’un curé d’Ars, d’un Saint Benoit, d’une Sainte Thérèse d’Avila, il y a aussi la petite voie d’une sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Personne ne peut donc se faire des excuses pourescamoter ce moment favorable, ces jours de salut. Ce serait se faire soi-même du mal.L’anecdote de ce disciple d’un père du désert est illustratif : un frère qui avait renoncé au monde etdistribué ses biens aux pauvres tout en en gardant un peu pour ses dépenses personnelles vint trouver Abbé Antoine. Informé de cela, le vieillard lui dit : « si tu veux devenir moine, va dans telvillage, achète de la viande, revêts-en ton corps nu, et reviens ici dans cet accoutrement ». Le frère faisant ainsi, les chiens et les oiseaux déchirèrent son corps. De retour chez le vieillard, celui-ci s’informa s’il avait suivi son conseil. Comme le frère lui montrait son corps tout lacéré, le saint Antoine dit : « ceux qui renoncent au monde tout en voulant garder des richesses sont déchirés de cette façon par les démons qui leur font la guerre ».
19.Voulons-nous éviter que notre âme soit déchirée par ledémon durant les quarante jours, évitons de faire semblant de vivre le carême, ne faisons aucune concession au diable, évitons de garder avec nous ce qui doit être donné aux autres, vivonsintensément le carême avec toutes nos forces physiques,morales et spirituelles. Et quoi que nous disions et fassions, que ce soit toujours au nom du Seigneur Jésus en offrant par lui notre action de grâce à Dieu lePère (Col 3,17) à qui Seulappartiennent l’honneur, la gloire, le pouvoir, l’adoration, lapuissance pour les siècles des siècles. Amen !