RETRAITE SACERDOTALE 2013
Lieu : Saint Jean Baptiste de Wayalgê, Ouagadougou,
Date : Du 22 au 29 Août 2013
Thème : L’OBÉISSANCE
Prédicateur : P. Mathieu ZONGO, Fdp
Quatrième jour : L’OBEISSANCE CHRETIENNE
Prière :
« Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de mon Père qui est aux cieux, celui-là est pour moi un frère, une sœur et une mère » (Mt12, 48-50).
Nous te remercions Seigneur Jésus, parce que tu nous donnes de faire partie de ta famille, en l’ouvrant à tous ceux qui font la volonté de ton Père. Seigneur Jésus, donnons-nous de te suivre et de t’écouter, toi le Verbe de Dieu fait chair pour accomplir jusqu’au bout sa volonté et rassembler du milieu des hommes un peuple saint qui lui appartienne. Nous te demandons de nous venir en aide pour que nous comprenions toujours mieux ce que tu veux que nous fassions : notre Père…
Matin du quatrième jour
Après avoir vu l’obéissance naturelle ou humaine ainsi que l’obéissance de Jésus, nous voyons aujourd’hui l’obéissance chrétienne. La vie chrétienne naît de la foi. En effet, l’existence chrétienne tout entière étant une renaissance (Jn 3,3-8), l’humain doit renaître à la vie divine. L’obéissance humaine ou naturelle suit également ce chemin. Sur le plan éthique, l’obéissance humaine est une attitude conforme à un complexe de valeurs, de principes et de normes qui appartiennent à l’ordre de la création et que la foi au Christ assume, élève et introduit dans l’ordre de la recréation.
1. Fondement et Nature de l’obéissance chrétienne
Notre obéissance en tant que chrétien naît non seulement du fait que nous avons été crées à l’image et à la ressemblance de Dieu, mais surtout du fait que nous sommes destinés à participer à la vie intime de Dieu, à vivre un rapport d’amitié avec Lui (cf. Eph 1, 3-14). Obéir, c’est donc vivre dans la fidélité à ce projet d’intimité de vie de Dieu par la connaissance et l’accomplissement de la volonté de celui qu’il a envoyé, son Fils, Jésus le Christ, notre Seigneur. C’est pour cela que nous devons partir du fait que notre obéissance humaine est objectivement assumée et portée à sa perfection dans l’obéissance de Jésus, et ce, en vertu de son incarnation rédemptrice. Si le Fils de Dieu, en s’incarnant, assume totalement notre condition humaine, c’est dire qu’il le fait nécessairement pour l’obéissance humaine. Il l’élève donc à un niveau supérieur, en la dépassant en tant que simple exigence de la dimension sociale de l’homme et de la société, pour en faire une recherche du visage du Seigneur et du chemin qui mène à Lui.
L’obéissance nous rend fils de Dieu, frères de Jésus et frères entre nous. « Être fils » et « obéir à Dieu et aux autres » définissent respectivement l’identité et l’attitude premières, fondamentales et structurantes de la personne humaine d’abord et chrétienne, ensuite. L’obéissance chrétienne est une obéissance filiale et fraternelle. Elle a sa source dans l’obéissance du Christ. Mais, pour être authentique, elle doit pourtant nécessairement jaillir de l’intérieur c'est-à-dire de la prise de conscience de notre identité profonde « d’être reçu ». Celui qui obéit est conscient qu’il ne se reçoit pas de lui-même mais de Dieu et des autres (mes parents, mes formateurs, mon évêque… imaginons un instant si nos parents, notre évêque etc. n’avaient pas été là). Je suis fils de Dieu, de l’Église, de l’évêque, du supérieur… être frère s’est prends conscients qu’on reçu quelque chose ensemble…
En obéissant à Jésus, j’obéis vraiment au Père et je deviens coresponsable avec mes frères. « L’obéissance chrétienne commence dans l’obéissance de Jésus qui devient maître en nous » (Pigna 192). Un peu de la même manière que Jésus, le Verbe de Dieu incarné a continué à être obéissant à la volonté trinitaire, l’obéissance de Jésus se poursuit « à un niveau objectif » en nous et doit atteindre son aboutissement.
L’obéissance chrétienne ayant pour finalité la participation à la vie intime de Dieu, elle ne saurait être autre chose que fondamentalement participation à l’obéissance de Jésus. En outre, et on peut le dire sans aucune réserve, pour le chrétien, le Christ est la forme concrète, visible et vivante de la volonté de Dieu. « Qui m’accueille, accueille celui qui m’a envoyé ». Par conséquent, la relation à Lui dans l’obéissance devient primordiale et vitale.
En Jésus et dans l’Esprit, non seulement se reproduisent en nous, c'est-à-dire dans notre existence chrétienne, les dynamiques de l’amour trinitaire mais aussi se produisent, toujours en nous, les effets de l’incarnation rédemptrice du Fils de Dieu. LG 4 dit en effet qu’ « une fois achevée l’œuvre que le Père avait chargé son Fils d’accomplir sur la terre (cf. Jean 17,4), le jour de la pentecôte, l’Esprit Saint fut envoyé qui devait sanctifier l’Église en permanence et procurer ainsi aux croyants, par le Christ, dans l’unique Esprit, l’accès auprès du Père (cf. Eph. 2,18). Ainsi, c’est un peu comme dans une famille, « un père qui communique sa volonté uniquement parce qu’il aime, un fils accomplit cette sainte volonté uniquement parce qu’il aime » (Pigna 192). L’obéissance chrétienne répond donc à la question fondamentale du sens à donner à sa vie, humaine et chrétienne. Dans ce sens, la vie chrétienne devient un perpétuel questionnement : « Seigneur, que veux-tu que je fasse ».
Oui, il s’agit de faire ce que le Seigneur veut tous les jours de notre vie. Pour cela, l’obéissance n’est pas une vertu chrétienne quelconque à laquelle nous faisons appel ou dont nous faisons preuve de temps à autre. Elle n’est pas non plus un conseil évangélique réservé à une catégorie (les prêtres ou les religieux par exemple qui en font respectivement la promesse ou le vœu). L’obéissance chrétienne indique la condition nouvelle et permanente du chrétien qui vit dans une attitude continuelle d’accueil et d’écoute de la Parole de Dieu. En fait, l’existence du chrétien, à l’image de celle de Jésus Lui-même doit tendre à être totalement unifiée et dominée par la recherche et l’accomplissement de la volonté du Père. Comme Jésus, le chrétien doit pouvoir dire « ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a appelé à accomplir son œuvre » (Jn4, 34). Mais il doit vivre de l’amour de Jésus et demeure dans cet amour en accomplissant sa volonté.
Quelle est la place de la « Parole de Dieu » dans ma vie de chaque jour à travers les écritures, les événements et mes frères?
Après midi du quatrième jour
L’éthique du conseil évangélique de l’obéissance
« Chercher la volonté de Dieu signifie chercher une volonté amie, bienveillante, qui veut notre réalisation, qui désire surtout la libre réponse d’amour à son amour, pour faire de nous des instruments de l’amour divin » (SEO, 4). L’obéissance est donc cette réponse intégrale du chrétien à Dieu qui lui manifeste sa volonté. Cela inclue par conséquent l’accueil de la Parole de Dieu et l’accomplissement de sa volonté.
L’obéissance, d’un point de vue subjectif, se compose de plusieurs aspect ou dimensions inséparables les unes des autres : écoute et observance, confiance et fidélité, communion et charité.
L’obéissance comme écoute. « Écoute, mon fils » (Pr 1, 8) ; « écoute, Israël » (Dt 6,4)
On écoute bien volontiers celui qu’on aime. L’obéissance est donc avant tout une attitude filiale de confiance (SAO, 6). L’obéissance à une personne qui nous parle découle de la confiance que nous lui portons. Une écoute imprégnée de confiance a de forte chance d’aboutir à l’obéissance. La certitude ou l’assurance du fils que ce qui lui est demandé, constitue ou conduit à son bien, le rend accueillant à la volonté du père. C’est pourquoi, il faut éviter de faire de l’autorité, un instrument d’oppression ou de domination. L’obéissance à Dieu se nourrit également de cette même confiance. L’obéissance est donc en lien avec la foi en Dieu comme Père très aimant et non uniquement, tout puissant, qui exige soumission. L’obéissance de la foi, c’est l’acceptation de l’Évangile dans l’intelligence, la volonté et le cœur. L’obéissance est la disponibilité à se mettre soi-même à la disposition de Dieu et des autres. C’est la que nous trouverons notre paix et notre bonheur. « En effet, nous parvenons à notre plénitude uniquement dans la mesure où nous nous inscrivons dans le dessein par lequel il nous a conçus avec un amour de Père » (SAO 5). En tant que être dépendant en relation avec le Tout autre et tous les autres, l’obéissance est l’unique voie dont dispose la personne humaine, être intelligent et libre, pour se réaliser pleinement.
« Il est évident qu’une telle obéissance exige de se reconnaitre comme fils et de se réjouir d’être fils, parce que seuls un fils et une fille peuvent se remettre librement dans les mains du Père, exactement comme le Fils-Jésus, qui s’est abandonné au Père ». L’obéissance chrétienne naît de la certitude que toute chose trouve sa signification dans la fidélité totale au dessein de salut voulu par Dieu. Jusque-là nous avons considéré la personne dans sa relation avec Dieu.
Cependant, l’obéissance comme écoute de Dieu constitue, en un même peuple, une même Église, une communion, tous ceux qui écoutent le Seigneur : « Écoute, Israël » (Dt 6,4). Dans le contexte de l’alliance, « écoute mon fils » (Pr1, 8) signifie aussi « écoute Israël » (Dt6, 4) ; non seulement parce que Israël est fils mais aussi parce que l’obéissance filiale de chacun devient cause d’obéissance en fraternité. Tout l’Ancien Testament est une invitation constante d’Israël, en tant que peuple, à l’écoute de Dieu. « Je mettrai mes lois dans leur pensée ; je les inscrirai dans leur cœur. Je serai leur Dieu et ils seront mon peuple » (Jr 31,33). Avec le changement d’alliance en Jésus, la nouvelle alliance s’établit à l’intérieur des âmes. Elle ne consiste plus en un simple ordre juridique extérieur mais, elle se caractérise par une relation personnelle de chacun et une relation commune de tous avec Dieu.
Ainsi, dans l’Alliance nouvelle, l’obéissance ne détermine plus seulement une condition nouvelle. Elle définit aussi sa fonction : l’écoute. En Jésus, l’Obéissance-Soumission nous fait vraiment passer de la condition de servitude à la fonction du service du Seigneur ; toujours en Jésus, l’Obéissance-Amour nous fait également passer de l’identité de serviteur à celle de fils de Dieu et frères du Seigneur. Le serviteur et le fils obéissent tous les deux. Mais, les deux obéissances diffèrent l’une de l’autre dans leur motivation et leur sens. (Je ne demande une chose à mon vicaire comme je donnerais un ordre au jardinier ou au cuisinier) (L’histoire des boutes de sardine du chat et le gardien). Il en résulte que l’obéissance peut être parfaitement comprise uniquement au sein de la logique d’amour, d’intimité avec Dieu, d’appartenance définitive à Dieu qui rend finalement libres (cf. SAO 6).
« A l’écoute suit l’obéissance (observance) comme réponse libre et libératrice du nouvel Israël à la proposition du nouveau pacte ; l’obéissance fait partie de la nouvelle alliance, plus encore elle en est la caractéristique distinctive » (SAO 6). Elle définit la condition et l’identité de toute l’Église du Christ, donc de tous les chrétiens et la hiérarchie que nous constituons est le garant.
C’est pourquoi, « cette voie d’obéissance à Dieu n’a rien en soi de mystique ou d’extraordinaire » ; Elle est normalement ouverte à tous les baptisés. Cela veut dire concrètement que nous devons toujours présenter ce que nous voulons faire à Dieu. Il faut vivre l’obéissance au quotidien. Combien parmi nous prions avant de prendre des décisions ou des initiatives? Nous prions le plus souvent après les avoir prises pour qu’elles réussissent ou marchent comme nous le voulons. … Cela me rappelle l’histoire d’un nonce apostolique et d’un prêtre qui avait été nommé évêque.
- « Mon père, dit le nonce, le saint Père vous demande de bien vouloir accepté la charge épiscopale… je vous laisse le temps pour prier et réfléchir et vous me donner la réponse dans quelque jour ».
-Et notre bon confrère de répondre : « Excellence, je suis d’accord, ça fait 15 ans que je prie pour ça… ». C’est un bon exemple à ne pas imiter…
N’ayons pas uniquement pour habitude de demander au Seigneur ce qu’il veut que nous fassions que dans des moments sérieux ou importants ; obéir, c’est être toujours branché sur la fréquence de la volonté de Dieu. Si nous ne vivons l’obéissance au quotidien, nous risquons d’être des prêtres-païens c'est-à-dire des gens qui faisons les choses de Dieu, mais sans référence aucune à lui. Des prêtres qui ont perdu la foi, il y en a eu mes frères ; et ça n’arrive pas qu’aux autres de ne pas avoir confiance en Dieu.
On raconte que dans un avion qui perdait de l’altitude et qui certainement allait finir par crasher, le commandant de bord s’est senti obligé de le dire aux passagers afin qu’il se prépare au pire : « Mme et Mr. nous perdons de l’altitude et nous ne savons pas pourquoi. Je suis au regret de vous dire que nous ne pouvons plus rien. Nous allons crasher c’est sûr. Je ne sais que faire, il faut un miracle…Seul Dieu peut nous sauver ».
Il y avait un pasteur parmi les passagers. Il n’avait pas bien saisi la fin des propos du commandant. Mais, il voit une vieille dame sortir son chapelet.
Alors, il se tourne vers elle et lui dit : « qu’est-ce qu’il a dit à la fin ? ». Et la vieille dame de répondre : « mon révérend, nous allons nous écraser. Il n’y a plus rien à faire. Seul Dieu peut nous sauver ».
Et le révérend pasteur de répliquer presqu’instinctivement à cette vieille dame qui tenait déjà son chapelet en main. « Seul Dieu peut nous sauver ? Alors là, on est foutu »
Nous pouvons chercher à tirer quelques enseignements pratiques pour notre vie personnelle à ce point de notre méditation.
« L’obéissance de la personne croyante est aussi l’adhésion à la Parole par laquelle Dieu se révèle et se communique lui-même, à travers laquelle il renouvelle chaque jour son alliance d’amour. De cette Parole, jaillit la vie qui chaque jour continue à être transmise. C’est pourquoi, la personne croyante recherche chaque matin le contact vivant et constant avec la parole qui en ce jour-là est proclamée, la méditant et la gardant dans son cœur comme un trésor, en en faisant la racine de toute action et le critère premier de tout choix. Et, à la fin de la journée, elle se replace devant cette Parole éternelle dans les petits faits de son quotidien (cf. Lc 2,27-32), et s’en remettant à la force de la Parole pour ce qui demeure encore inachevé »
L’amoureuse fréquentation quotidienne de la parole enseigne à découvrir les chemins de la vie et les modalités à travers lesquels Dieu veut libérer ses fils » ; (SAO 7).
Quelle place j’accorde à Dieu dans mes décisions ordinaires et mes activités quotidiennes ?